La France de ces derniers mois n’est pas belle à voir : émeutes, pillages, incendies, attaques au couteau et agressions en tout genre semblent inéluctablement rythmer notre quotidien. Et subitement, alors que nous allions nous résoudre à considérer notre jeunesse comme uniformément mobilisée par la cause climatique, assoiffée de baskets Nike ou empressée de tout casser pour se venger d’une société qui lui a tout donné, survient Henri et son geste héroïque pour stopper le tueur d’Annecy.
«On est capable de tout lorsqu’on se nourrit de grand et de beau», «Je n’ai eu qu’un seul réflexe, me mettre à prier», «Je suis catholique pratiquant, je crois vraiment qu’il faut s’en remettre à quelque chose qui nous dépasse un peu, à la Providence» témoigne-t-il, sans complexe auprès des journalistes dans les heures qui ont suivi. Des paroles qui tranchent, nous réconfortent et nourrit l’espoir : l’âme française et l’attrait pour la grandeur subsistent encore. Mais pas à n’importe quel prix.
Pas n’importe où non plus. N’en déplaise à Pap Ndiaye, et avis à notre nouveau ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, ce n’est pas sur les bancs de l’école républicaine tellement empressée de chasser les figures des héros et des saints pour faire place nette à la diversité, la repentance et la déconstruction avec les désastres que l’on sait, qu’Henri a grandi. Issu d’une famille traditionnelle, forgé chez les scouts d’Europe, le «héros au sac à dos» a été scolarisé dès sa plus tendre enfance dans une école catholique «hors contrat». Le type même d’établissements bridés, contrôlés et constamment humiliés par un État qui les soupçonne de nourrir en leur sein des «foyers de séparatisme». Depuis la loi d’août 2021 confortant le respect des principes de la République voulue par Emmanuel Macron, c’est un festival. Au mois de juin 2023, la Fondation pour l’école recensait les expériences malheureuses des directeurs d’établissements hors contrat soumis à des inspections qui «se sont multipliées ces derniers mois» : arrivées surprises «par des portes dérobées d’inspecteurs en surnombre (10 pour une école de 90 élèves, par exemple)», «fouille de cartables» et de casiers et questions intrusives dépassant largement le périmètre scolaire : «Avez-vous des problèmes familiaux ?», «Parlez-vous de sexualité à la maison ?», «En parlez-vous beaucoup ?», «Supportez-vous l’uniforme ?», «Cela ne vous dérange-t-il pas de ne jamais changer d’aspect ?», «Avez-vous accès à Internet à la maison ?», «En avez-vous assez d’être cloîtré toute la journée sans votre téléphone ?».
Lors des épreuves du bac, les candidats issus de ces écoles ont été, cette année encore, particulièrement discriminés : contraints depuis la réforme à passer au moins 15 épreuves dans des lieux souvent éloignés de leur lycée (contre 6 épreuves pour leurs camarades du public et du privé sous contrôle continu), certains ont été particulièrement malmenés par des conditions de passage d’examens injustes et éprouvantes : «élèves passant des oraux tous en même temps dans une salle commune ; bruits très forts d’enfants pendant leur récréation troublant la concentration des candidats ; absence d’horloge dans certaines salles d’examen ; accès refusé aux cartables des candidats entre deux épreuves alors qu’ils disposaient d’une heure pour réviser entre celles-ci» rapporte la FPEEI (fédération de parents d’élèves des écoles indépendantes).
Et pourtant… Les images d’émeutes, de manifestations de cette jeunesse d’ultra-gauche décidée à en découdre parlent d’elles-mêmes : comment imaginer reconstruire une société en se passant d’autres Henri, de leurs familles pour les éduquer et de leurs écoles pour leur enseigner respect du bien commun, protection du faible et amour de la France qui font si cruellement défaut ? De quoi revoir largement la copie du gouvernement, inéluctablement hors sujet. On peut toujours rêver.