Le devoir d'état
Famille d'abord n°29 - mars 2016
Dans ses souvenirs autobiographiques intitulés Raisons de Famille, Jacques Perret raconte avec humour comment le jeune garçon turbulent et rêveur qu’il était en 1916, trépignait d’impatience de rejoindre son frère aîné Louis parti au front et comment, prié de retourner au plus vite à son travail de classe, il s’entendit ordonner par son oncle sur un ton à la fois solennel et affectueux : «Que chacun fasse son devoir !». Derrière l’équivoque du mot, - le devoir et les devoirs scolaires - il entrevoyait sans doute pour la première fois cette dure réalité que l’on appelle le devoir d’état... S’il est permis et même plutôt sain pour un jeune garçon de rêver d’aventures davantage que de théorèmes, il est dans l’ordre des choses pour ses parents de l’obliger à accomplir son devoir d’état : celui d’écolier, en l’occurrence, en attendant d’avoir atteint l’âge des choix. On touche ici au rôle essentiel de l’éducation pour les parents et de l’obéissance pour les enfants si bien mis en valeur par Yann Le Coz et l’abbé Jean-Pierre Boubée.
Par ailleurs, la rêverie compréhensible chez un enfant l’est déjà beaucoup moins à l’âge adulte. Il est connu que «l’herbe est plus verte dans le champ du voisin», et que nous ne sommes que rarement satisfaits de notre état. Cette insatisfaction nous pousse trop souvent à rêver d’un autre état de vie au détriment de celui que nous devons accomplir hic et nunc. Or, l’enseignement de l’Eglise rappelé avec force par les papes, de nombreux évêques, religieux, religieuses et éducateurs, ne laisse pas de doute : la sainteté passe par l’accomplissement de notre devoir d’état et la tâche est si difficile qu’il n’est pas exagéré de parler de pénitence et d’héroïsme. A ce sujet Arnaud de Lassus nous rappelle le message de la Sainte Vierge à Fatima : «l’accomplissement de notre propre devoir : voilà la pénitence que je demande maintenant» et le R.P. de Chivré ne craint pas de parler de l’héroïsme quotidien de ce devoir accompli jour après jour jusqu’au bout. Enfin, notre devoir d’état ne saurait se limiter à nos devoirs envers l’Eglise, notre famille et notre métier ! Il concerne aussi notre engagement au sein de la cité qui n’est en rien facultatif, nous dit avec force Léon XIII dans son encyclique Immortale Dei. Se mettre en état de faire son devoir, de la version latine à la gestion des affaires publiques en passant par la vie de famille, telle est l’ambition de ce dossier.