Devoir spécial de l’élite intellectuelle : faire régner le Christ dans l’enseignement

 

Ce point concerne la place particulière de l’élite intellectuelle dans la Cité. Elle se compose des philosophes, historiens, littérateurs, et en général tous ceux qui écrivent. Parmi eux, les professeurs se distinguent par la délicate mission de présider à la formation intellectuelle et morale de l’enfance et de la jeunesse. Ils ont l’obligation rigoureuse de donner un enseignement chrétien. L’enseignement neutre n’a pas sa place : «Comment un catholique, qui accepte de donner l’enseignement oral ou écrit à d’autres catholiques, pourra-t-il jamais concilier les maximes séparatistes de la prétendue philosophie officielle avec les exigences intimes de sa Foi et de la Foi de ses auditeurs ? Qu’on se rappelle les principes de saint Thomas qui déterminent les occasions dans lesquelles tout homme baptisé est tenu de professer sa croyance. Qu’on dise si l’honneur de Dieu, la cause de la Foi, l’utilité du prochain peuvent s’accommoder du système de réticences et du faisceau de principes erronés dont se compose la philosophie naturaliste ? "Celui qui m’aura avoué et confessé devant les hommes, promet Notre-Seigneur, je l’avouerai et confesserai devant mon Père céleste". Or, le chrétien « neutre » aura passé sa vie à traiter de la science qui a les points de contact les plus multipliés et les plus inévitables avec la religion, avec son dogme, avec sa morale, avec son culte, avec son histoire. Il avait pour auditeurs, pour lecteurs, des hommes [qui] réclamaient une doctrine forte et solide, qui les aidât à retenir et peut-être à recouvrer la Foi baptismale. Mille occasions naturelles se présentaient à lui de se déclarer chrétien et de laisser apercevoir, sous son manteau de philosophe, la robe de son baptême. Eh bien non ; il a parlé de tout, de Dieu, de l’âme, du corps, de l’origine de l’homme, de ses facultés, de sa destinée, de la vie présente, de la vie future et pas une fois, il n’a prononcé, avec l’accent d’un croyant, le nom de Dieu fait homme ; pas une fois il n’a présenté à son disciple les caractères raisonnables et rationnels de la Foi chrétienne ; il a disserté toute sa vie en païen, en infidèle ; et tandis que la religion demande à régler et à sanctifier tous les états, il a rempli le plus noble, le plus auguste, le plus divin de tous les états humains, sans jamais y faire acte positif de religion ; ou plutôt, il a tenu toujours la vérité captive, il l’a opprimée dans son injuste silence ; toute sa philosophie, loin de conduire à Jésus-Christ, n’a semblé tendre et n’a réussi qu’à supprimer Jésus-Christ, à le rendre inutile ; toute sa sagesse humaine a eu pour résultat d’anéantir, et comme dit saint Paul, d’évacuer la Croix du Sauveur. En faisant les hommes justes par la seule foi de leur nature, son enseignement les a détachés de Jésus-Christ et fait déchoir de sa grâce. Ah ! si tous ceux qui auront dit : "Seigneur, Seigneur, ne seront pas admis pour cela dans le royaume des cieux", combien sont assurés d’entendre la terrible parole "Nescio vos : Je ne vous connais pas", ceux-là qui n’auront pas même voulu prononcer le nom du Seigneur Jésus ! (…) Sur la terre cet homme apostat, quoiqu’il n’y fût bon qu’à corrompre l’esprit public et à perdre les âmes, a pu être supporté, il a pu être admiré, il a pu être encouragé dans sa profession funeste, il a pu être richement payé sur le budget de la nation à laquelle ses doctrines préparaient tous les dix ou quinze ans de nouveaux renversements, mais ce triomphe aura un terme. "Un jugement très dur, nous dit l’Ecriture, est réservé à ceux qui président aux autres". Quel sera donc le jugement réservé à ceux qui n’auront usurpé la direction intellectuelle des âmes que pour creuser un abîme infranchissable entre la raison et la Foi, c’est-à-dire entre les hommes et le salut éternel !» (Seconde instruction synodale)

Certes, avec les lois actuelles sur l’enseignement, ce combat est aujourd’hui plus difficile. Cependant, ne sont pas sans excuse les maîtres de l’enseignement public qui dissimulent leur Foi. Que faire ? Que dirait aujourd’hui à ces maîtres l’évêque de Poitiers ? Sans nul doute, il leur ferait comprendre combien est odieux le dur esclavage auquel la loi impie les réduit ; il les encouragerait à se grouper en associations de professeurs chrétiens. Il les pousserait à demander l’abolition de cette loi criminelle, leur rappelant la parole de saint Pierre : «Il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes» (Actes des Apôtres, V, 29).

Louis VeuillotLouis Veuillot disait au général Trochu : «Encore que vous soyez le plus honnête homme du monde et bon et ferme chrétien pour vous-même, prêt, je n’en doute pas, à mourir plutôt que d’abjurer la Foi du Christ, vous n’avez pas, selon moi, la qualité et la quotité de foi sociale que nous devons tous à l’Evangile. Vous en avez ce que tolère le monde, vous n’avez pas ce qu’il faut à la société. Je ne vois rien du tout dans vos actes publics qui me déclare que l’Evangile soit pour vous la loi du salut politique autant que celle du salut particulier. Vous croyez qu’il n’est permis et même urgent de n’être chrétien que dans la vie privée. C’est l’essence du poison révolutionnaire ; c’est par là que la Révolution trompe les intelligences et dissout les consciences à qui ses autres maximes et pratiques font horreur. C’est ce poison surtout qui tue la société. Il paralyse les bras et les cœurs qui pourraient le sauver. Il ôte aux hommes de bien le sens vigoureux du juste et de l’injuste, il affaiblit en eux la majesté généreuse de la Foi, il leur interdit la grandeur, il les ravale aux incertitudes et aux compromis, à toutes les fausses habiletés de la pauvre raison humaine si mesquine et si profondément déraisonnable lorsqu’elle éteint le flambeau que Dieu lui a donné» (Paris, pendant les deux sièges).

Suite : Quel programme politique pour une restauration chrétienne ?