Mère de famille : matrice des engagements
Famille d’abord publie cette lettre, écrite en hommage au rôle difficile des mères dans une société qui leur refuse trop souvent leur place.
Quand les qualités d’une mère ne relèvent que du simple instinct maternel, il n’y a pas lieu de s’extasier : aucun mérite ne lui revient, elle n’agit qu’en fonction de dispositions naturelles, inhérentes à tout le genre animal.
Mais lorsqu’elles accomplissent leur mission au prix d’un engagement total et conscient, elles deviennent les véritables héros de notre temps. Quand tout semble établi pour les effondrer ou pour les éteindre, les «murs porteurs» que Philippe de Villiers évoque dans ses écrits, ce sont les mères de famille.
En effet, c’est un principe naturel, physiologique, contre lequel aucune loi scélérate, ni aucune vaine chirurgie ne pourront jamais rien : la femme est un être de don, qui ne s’épanouit et ne réalise la plénitude de son destin qu’en s’offrant elle-même sans retour au service des autres. Sa transcendance se révèle dans le don total et dans l’oubli de soi.
En dehors du cas particulier des vocations religieuses, seule une femme peut ainsi se renoncer complètement, se sacrifier tous les jours, s’immoler au service de ceux qui ne la méritent pas forcément, sans jamais renoncer, sans se plaindre (ou si peu) et sans rien réclamer en retour qu’un peu de présence et de gentillesse, parfois trop mesurées ou dispensées avec si peu d’attention, de constance et de consistance… On est loin des revendications féministes, des mouvements d’une prétendue libération : on est dans l’exaltation la plus élevée de ce qui fait de la femme un être souvent si proche du Christ, seule victime expiatoire et adorable.
Epouse et mère, mais aussi sœur ou jeune fille, la femme véritable donne. Elle est le maillon qui transmet, qui diffuse, qui transfuse et qui éduque. Préférant à la force et à la contrainte, la douceur, le tact et la fine persuasion, elle met tout son être au service de ce qui la dépasse : la poursuite de la génération. La civilisation ? C’est elle. L’amour ? C’est elle. La véritable force, c’est elle. L’histoire du monde, les vocations, les grandes batailles, les grandes inspirations, les plus belles envolées lyriques, musicales et poétiques, c’est elle, encore elle, toujours elle.
Voilà pourquoi derrière chaque grand homme se cache une femme. Il y a Jeanne d’Arc, bien sûr, sans qui Charles VII n’eût rien été, ni ses successeurs, ni la France non plus d’ailleurs. Mais sans Clotilde, sans Blanche de Castille ou Marguerite de Provence, nous n’aurions jamais eu Clovis ou Saint Louis. Sans sa mère, ses pleurs, ses jeûnes et ses prières, que serait devenu le grand saint Augustin ? Et j’oserai dire, sans la Sainte Vierge, nous n’aurions pas eu de Fils Rédempteur.
Le regard des mères change le monde parce que ce sont elles qui, dans leur responsabilité et leur charge de transmettre, éprouvent le mieux le sentiment de ce qui peut être, de ce qui peut devenir. Goethe avait raison d’écrire : «Traitez un homme pour ce qu’il est et il restera ce qu’il est. Traitez un homme pour ce qu’il peut être et il deviendra ce qu’il peut et devrait être.» Les mères qui font grandir leurs petits : ce sont elles qui engendrent les grands hommes.
Alors ces derniers feraient bien d’en prendre mieux conscience. Dépositaires naturels de la force et de l’autorité, chargés de conduire et d’être les chefs, ils ont à côté d’eux un trésor inestimable, un puits sans fond dans lequel ils ont à puiser ce qui doit les mouvoir eux-mêmes. Mais combien s’en rendent compte ?
Nous avons tous été témoins, un jour, trop souvent, de cette rocambolesque et triste peinture : une pauvre maman, trente-cinq ans peut-être, qui traîne sa petite famille à la messe dans une solitude sidérante. Elle s’est faite jolie : elle l’est ; normal, c’est dimanche et l’on va voir le bon Dieu. Et, après la messe, les autres aussi : il faut faire bonne figure, c’est humain. Les enfants, une petite tribu dont l’aîné doit avoir huit ou neuf ans, sont un peu agités. Forcément. Des paroissiens respectables lui font parfois les gros yeux et poussent de vieux soupirs exaspérés et rassis. Elle affronte cette injuste antipathie en l’offrant. Elle aimerait tellement mieux un sourire d’encouragement : elle fait ce qu’elle peut. Elle tente, de son mieux, de faire régner un peu d’ordre parmi les siens et de les diriger vers le recueillement et la prière. Elle a du mal… Elle-même prie mal, elle le sait. Mais comment faire ? Elle pense aussi au repas qui suivra : pourvu qu’elle n’ait rien oublié, ses beaux-parents les rejoignent au déjeuner. Elle a peu dormi : il fallait se lever tôt ce matin. A côté d’elle, un peu avachi, mou, son mari la laisse faire. Mal ou pas rasé, une chemise sans cravate, au mieux une veste ouverte, quand ce n’est pas un pull mauve jeté négligemment sur ses épaules, affublé d’un pantalon fuchsia, rose ou orange parfois, il semble très détaché de ce quotidien. Loin. Inefficace. Absent. Incapable d’exemple. Invertébré. Il n’aurait pas cette attitude pour un rendez-vous de travail ou un entretien d’embauche, c’est sûr. Mais Dieu… Il ne voit même pas les regards incrédules que sa femme lui jette de temps en temps, quand elle aimerait bien qu’il l’aide un peu. Mais il a l’excuse de sa semaine de travail vous comprenez…
Qui n’a jamais été témoin de cette scène, pourtant si répandue ? Que penseront plus tard les enfants devenus adolescents, de ce père informe ? De quelle autorité pèsera-t-il ? Et que pensera sa femme, bientôt, lassée de tout porter seule ? A quoi pense donc cet homme ?
Que cette épouse fasse attention toutefois et s’examine elle-même : comment le fringant fiancé d’autrefois est-il devenu ce triste mou ? Lui a-t-elle laissé sa place, a-t-elle favorisé son rôle d’homme, d’époux et de père ? Ne l’a-t-elle pas relégué au seul rôle de fournisseur de confort et d’argent ? Toute à la joie de ses maternités et persuadée désormais d’être une dame respectable, a-t-elle la délicatesse et l’intelligence de mettre son mari en valeur ? Qu’elle y pense : la commisération qu’inspire son mari pourrait lui revenir bientôt… Ce sont les femmes qui font les hommes, on l’a dit : ce sont parfois les épouses qui les défont. Attention… Qu’elle n’oublie pas cette maxime qui est une règle de vie et d’éducation : la femme porte l’enfant vers son père et le père ouvre les yeux de l’enfant sur le monde. Sans le respect de cette hiérarchie ascensionnelle, c’est une famille qui ne tient pas debout, une famille sans équilibre. C’est à elle d’y veiller. Vestale du foyer, il faut qu’elle organise sa vie en conséquence.
Mais pour celles qui tiennent leur rang, ces femmes, ces admirables épouses, ces héroïnes méritent toutes les médailles. Leur engagement, engagement du sang et de l’âme, leur mérite tout notre amour et notre reconnaissance. Leur exemple nous transcende et nous confond.
Mamans, on vous aime.
On vous aime et merci.