Le plus grand engagement
Famille d’abord a rencontré un séminariste pour lui poser quelques questions sur son engagement au service de Dieu. Ses réponses nous éclairent sur cette vocation particulière : il a souhaité conserver l’anonymat, ses réponses ayant un caractère général.
Famille d’Abord : Monsieur l’abbé, vous êtes séminariste, on a sûrement déjà dû vous demander comment vous aviez entendu l’appel de la vocation ?
Séminariste : En effet, c’est une question qui revient souvent. D’aucuns s’imaginent un appel sensible : presque une voix qui dirait « viens ! » Il n’en est pas ainsi. Parfois, le bon Dieu peut se servir de sensations, d’émotions, pour amener le jeune homme à se poser la question de la vocation mais cela n’a rien de nécessaire. En revanche, celle-ci se reconnaît à certains signes et, une fois reconnue, elle s’éprouve dans un séminaire.
FdA : A quels signes peut-on discerner une vocation ?
S. : On compte ordinairement cinq signes positifs. Le futur prêtre doit vouloir devenir tel pour la plus grande gloire de Dieu, et le salut des âmes qui lui seront confiées, il doit avoir les qualités intellectuelles suffisantes, avoir une santé physique et psychologique stable, faire preuve de bon sens dans ses jugements et enfin montrer de la maturité intellectuelle. Pour distinguer ces signes, il est nécessaire avant tout de prier. Sans la prière, les chances d’errer sont très élevées.
FdA : Vous parlez de signes positifs ; existe-t-il des signes négatifs ?
S. : Il en existe ; je me contenterai de citer le pape Pie XI : « Celui-là, au contraire, qui, poussé peut-être par des parents mal inspirés, voudrait embrasser cet état avec la perspective d’avantages temporels et des gains terrestres qu’il entrevoit ou qu’il espère à travers le sacerdoce, ainsi qu’il pouvait arriver plus fréquemment jadis ; celui qui est habituellement réfractaire à la dépendance et à la discipline, peu enclin à la piété, peu studieux et peu zélé pour les âmes ; celui surtout qui est porté à la sensualité et qu’une expérience prolongée montre incapable de la vaincre, celui qui a si peu de dispositions pour les études que l’on prévoit qu’il n’en pourra suivre, de manière à donner satisfaction, le cours normal : tous ceux-là ne sont pas faits pour le sacerdoce. » Mais attention, une fois rentré au séminaire, que le séminariste ne s’examine pas sans cesse pour savoir s’il est vraiment fait pour cela : qu’il fasse son devoir d’état, le reste appartient à ses supérieurs dont c’est l’office propre.
FdA : On imagine que ce n’est pas facile d’entrer au séminaire, qu’en dites-vous ?
S. : Entrer au séminaire est dur d’un certain point de vue ; en effet, le futur prêtre quitte sa famille, ses amis, ses habitudes, parfois même son continent ; il doit s’astreindre à une vie austère, faite de renoncement, de combat intérieur, de sacrifices continuels ; il est rejeté par le monde, insulté dans la rue, parfois même critiqué par les fidèles ; il est, surtout aujourd’hui, considéré comme un dégénéré ; c’est vrai, tout cela est vrai. Mais voyons plus loin, plus haut. Il reçoit ce que Notre-Seigneur a promis à ceux qui le suivraient, il porte la croix à Sa suite, il a droit à une récompense éternelle sublime dans l’autre monde : il est un autre Christ. Regardez les prêtres et les séminaristes, vivez près d’eux ; sont-ce des personnes tristes ? Au contraire, près d’eux, tout rayonne de cette joie propre aux enfants de Dieu. « Quiconque aura quitté sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses champs, à cause de mon nom, recevra le centuple et possédera la vie éternelle. » (Mat. XIX, 29). Ce n’est donc pas si dur (il sourit).
FdA : Quels sont les moyens ?
S. : La réponse tiendrait en deux mots : le devoir d’état. Au séminaire, la vie est très réglée, on n’a guère le temps de s’ennuyer. La vie de séminariste se divise entre les temps de prière (oraison, office divin, messe, chapelet, lecture…), les temps d’étude (cours de spiritualité, de philosophie, de théologie, de latin, de chant, étude personnelle), et les charges (entretien du séminaire, sacristie, procure…). Tout cela prend du temps, et c’est là que réside la fidélité au devoir d’état : être au bon endroit au bon moment. Tenir à ses temps de prière, sans lesquels les œuvres sont stériles, étudier toutes les matières de manière à pouvoir guider les âmes plus tard, se donner dans sa charge pour contribuer au bien commun, voilà les moyens qu’a le séminariste pour se sanctifier et sanctifier les autres. Il ne s’appartient plus, il appartient à Dieu.
FdA : En ce qui vous concerne, qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager dans cette voie ?
S. : Depuis tout jeune, j’ai vécu avec des personnes qui se dévouaient pour moi, qui donnaient de leur temps pour m’assurer une éducation catholique. Collégien, j’ai eu la chance de pouvoir assister aux prises de soutane à Flavigny ; au cours de cette cérémonie, je me suis dit : « Pourquoi pas moi ? Qui sait, un jour… » Mais je n’en parlais à personne et oubliais un peu cette pensée. Plus tard, les abbés de l’école ont emmené toute la classe de Terminale faire une retraite de saint Ignace ; ce genre de retraite est le moment idéal pour mettre tout à plat et réfléchir sérieusement à son avenir. Pendant une conférence, un des deux prédicateurs nous expliqua le principe de l’élection. « Pour faire un choix compliqué, priez puis prenez une feuille, et inscrivez l’alternative ; sous chaque possibilité, écrivez les réponses oui et non, et, sous chaque réponse, les arguments pour et contre. Une fois ce travail effectué, voyez de quel côté penche la balance et allez montrer cette feuille à un prêtre qui vous connaît bien. Une fois la décision prise, ne revenez pas en arrière. » C’est ce que je fis. J’allais ensuite trouver chacun des prédicateurs avec ma feuille et à la fin de l’entretien, les deux furent d’accord avec mes conclusions : le sacerdoce l’emportait. De retour chez moi, j’allais trouver mon directeur spirituel qui me guidait depuis un an ; lui aussi fut d’avis de m’envoyer au séminaire mais préférait que j’attende un peu après le baccalauréat, pour pouvoir sortir un peu du cocon dans lequel je baignais, faire un stage à Flavigny et confronter mes résolutions avec une vie d’étudiant. Au cours de cette année, je m’engageai dans des mouvements de jeunesse, désireux de donner à mon tour ce dont j’avais bénéficié depuis tout petit. J’en fus ravi mais espérais quelque chose de plus ; je voulais apporter davantage à ces jeunes âmes, les emmener plus haut, plus loin… Etre prêtre, les amener à Notre-Seigneur, consacrer ma vie à Lui gagner des âmes : je suis donc rentré à Flavigny.
FdA : Pour conclure, que diriez-vous à un jeune homme qui voudrait à son tour entrer au séminaire ?
S. : D’une manière générale, et à n’importe quel âge, il faut qu’il fasse trois choses : se confier à un prêtre qui sera son directeur spirituel, être bien fidèle à son devoir d’état et développer les vertus, surtout celles de pureté et d’obéissance, si attaquées aujourd’hui.