La hiérarchie des objets
Poursuivons, et considérons maintenant l’objectif poursuivi : on l’a vu, il s’agit de s’échanger contre un bien plus grand que soi. Quel peut être donc ce bien plus grand contre lequel on cède l’usage de sa personne ?
Relevons en premier lieu l’absolue nécessité que l’objet de cet oubli de soi, que la chose au profit de laquelle s’exerce l’offrande soit suffisamment digne d’un tel acte. En effet, la valeur intrinsèque d’un engagement se mesure d’abord à l’aune de l’objectif poursuivi. Il semble évident, par exemple, que l’attachement porté à un club de football, si réputé soit-il, n’aura pas la même valeur que celui d’une vie consacrée à Dieu. De cette comparaison très évidente naît ainsi un premier constat : il faut considérer la hiérarchie des objets pour déterminer, en conséquence directe, celle de la valeur des engagements consentis.
Dans cet ordre, s’il est aisé d’affirmer que Dieu occupe la première place, comment les autres objets peuvent-ils ensuite s’organiser ? Plusieurs considérations éclaircissent cette question importante.
Il convient d’abord de distinguer s’il s’agit d’une cause supérieure : le bien de la société par exemple. Le bien commun non seulement dépasse mais contient et conditionne le bien particulier. Il parait donc raisonnable de s’engager au service du bien commun puisque notre bien particulier en dépend. Sous réserve, bien entendu, que le bien supérieur le soit réellement, qu’il ne s’agisse pas d’une illusion et que le bien particulier n’en souffre pas de fait. Cette distinction est essentielle, un exemple simple suffira pour bien la comprendre : tel celui qui s’engagerait au service d’une association pour l’éducation des enfants de Somalie, au point que cette occupation le conduise à délaisser pour cela l’éducation de ses propres enfants, celui-là, sans aucun doute, s’engagerait sans réflexion et manquerait à son engagement premier qui s’attache aux enfants dont il a la charge et dont il est responsable.
Ce peut être ensuite une personne aimée : celui ou celle qu’on aime détient alors plus de valeur ; l’amour pour cette personne justifie qu’on s’engage envers elle, quitte à sacrifier notre satisfaction immédiate pour assurer son bonheur, puisqu’on fait dépendre le nôtre du sien.
Cette liste n’est pas exhaustive, bien entendu, mais elle permet d’y raccrocher facilement les diverses formes d’engagement proposées ou rencontrées. Ainsi, en fonction des vocations, des aspirations et des capacités de chacun, il devient plus simple à l’éducateur de conseiller et d’infléchir vers tel ou tel objet celui dont il a la charge.