Intelligence et libre arbitre : des conditions du bonheur éternel
Aristote rappelle que deux opérations surtout servent à définir l’âme, le mouvement local1 et la connaissance, et que cette dernière consiste dans l’appréhension et le jugement. Or, il y a jugement et appréhension dans l’intellection aussi bien que dans la sensation. De là à conclure que les deux se fondent, il n’y a qu’un pas. Bref, l’identification de la sensation et de l’intellection sont deux formes d’un même objet, la connaissance.
C’est l’intelligence humaine qui permet d’y accéder en tant qu’elle consiste en un ensemble des fonctions mentales ayant pour objet la connaissance conceptuelle et rationnelle.
Réservée à l’homme dans l’ordre de la Création, elle consacre l’aptitude à s’adapter à une situation et à choisir des moyens d’action en fonction des circonstances. Elle manifeste, dans un domaine donné, le souci de comprendre, de réfléchir, de connaître et permet d’adapter le comportement aux finalités envisagées. On voit déjà que cette capacité de saisir une chose par la pensée conditionne bien l’existence dans son ensemble.
L’homme est pourvu d’un esprit, indépendant du corps biologique mais intimement lié à lui, qui pilote l’existence de l’être humain grâce à deux facultés qui sont les deux outils de son libre arbitre : l’intelligence et la volonté. Là où l’animal est déterminé par son instinct vital, l’être humain reste ainsi maître de ses décisions. Il exerce son « libre arbitre », c’est-à-dire sa capacité à opérer librement des choix face à des situations diverses.
Son libre arbitre est conditionné par :
- le corps lui-même au travers des informations sur son fonctionnement ;
- le patrimoine génétique (unique), qui constitue le caractère (= « noyau dur ») ;
- le milieu de vie naturel : géographie, climat...
- la configuration sociale : famille, pays, religion, milieu…
- sa propre histoire : accident, perte d’un être cher, violence subie, guerre, cataclysme...
Mais quels qu’ils soient et quelle que soit leur importance, ces conditionnements seuls ne sont pas déterminants. L’homme conserve sa zone de libre arbitre : les dons peuvent se développer ou rester en friche ; le milieu peut s’accepter, en tout ou partie, ou se voir rejeté catégoriquement. En la matière, chacun demeure responsable de ses choix, fruits ultimes de son intelligence : quelle responsabilité... Et, on le devine, quel apprentissage !
Parce que le jeune enfant va devoir apprendre à se servir de son libre arbitre, en connaissant ses propres conditionnements, pour accéder au meilleur de lui-même et viser au Bien et au Vrai, il faut que l’éducation s’attelle fermement à cet apprentissage.
Mais l’intelligence s’éduque-t-elle ? Et comment appréhender ce paradoxe qui veut que l’éducation soit une forme de conditionnement, alors même qu’elle vise à rendre l’éduqué le plus détaché possible des conditionnements qui pourraient étouffer ou dévoyer son libre arbitre ?
Le défi est important, à la mesure des enjeux. Le dossier qui s’ouvre embrasse un vaste chantier qui va mettre en relation les divers acteurs d’une construction subtile.
Autorité au service de l’éduqué, l’éducateur doit remplir sa mission en mettant en œuvre beaucoup de qualités. L’accomplissement des objectifs fixés dépendra par la suite de son projet éducatif et des moyens utilisés. Alors seulement, une fois son intelligence bien éduquée, l’homme pourra trouver des raisons d’espérer approcher sa fin ultime : le bonheur éternel.
Education de l’intelligence = binôme indissociable éducateur + éduqué — avec éducateur = dispositions + projet éducatif + actions éducatives et règles + message, et avec éduqué = dispositions + moyens et manière.
Belle équation, ou belle recette de cuisine éducative, qui va sans doute réclamer un peu de patience…
La patience : justement la vertu principale de l’éducation.
1 - Capacité à se mouvoir de son propre chef que possèdent les hommes et les animaux.