Vu de Rome
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Voyage du pape au Kazakhstan
Dialogue inter-religieux et allégeance aux principes de l’ONU
Du 13 au 15 septembre 2022, le pape François était en voyage au Kazakhstan pour participer au VIIe Congrès des leaders des religions mondiales et traditionnelles à Noursoultan (Astana1). Un signe d’allégeance à l’ONU et une insulte envers Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Le Kazakhstan, un modèle pour la paix ?
Le Congrès des leaders des religions mondiales et traditionnelles a été fondé en 2003 par Noursoultan Nazarbaïev, alors président du Kazakhstan. Premier secrétaire du Parti communiste du pays au moment de la chute de l’URSS en 1991, Noursoultan gardera le pouvoir «démocratiquement» jusqu’en 2019 au cours de cinq mandats successifs qui le verront toujours élu avec près de 95 % des suffrages.
Régulièrement critiqué dans le monde occidental pour son culte de la personnalité, la généralisation de la corruption dans le pays et son contrôle total de toute opposition, il gardera toujours de bonnes relations avec la Russie, la Chine et les États-Unis grâce au commerce des ressources naturelles du pays. Son opposition à l’armement nucléaire et son engagement pour le dialogue inter-religieux suffit au pape François pour le donner en exemple aux artisans de paix. Son successeur, Kassym-Jomart Tokaïev, est issu de son parti politique «Nour-Otan».
Le Congrès des leaders des religions mondiales et traditionnelles à Astana
Le Kazakhstan compte 19 millions d’habitants pour pas moins de 27 ethnies. La majorité est musulmane (70 %), et une grosse partie est chrétienne, majoritairement orthodoxe (26 %). Le pays ne compte pas plus de 1 % de catholiques et possède aussi de grosses communautés bouddhiste et juive. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, la montée des extrémismes religieux préoccupe particulièrement Noursoultan. S’inspirant de plusieurs initiatives de coopérations inter-religieuses, dont les rencontres d’Assise2, il fonde en 2003 le Congrès des leaders des religions mondiales et traditionnelles pour le développement d’une culture de la tolérance et faire contrepoids à l’idéologie de la haine et de l’extrémisme. Doublé d’un secrétariat permanent, le congrès est présidé par le chef de l’État et a lieu tous les trois ans à Astana. Il s’agit d’une véritable institution internationale, interconfessionnelle et permanente pour le dialogue des religions. L’objectif est de trouver des repères humains communs dans les formes mondiales et traditionnelles des religions et de prendre des décisions concertées pour promouvoir la paix et la tolérance. Au fil des années le Congrès devient un rendez-vous incontournable. De 17 délégations en 2003, il passe à 100 délégations de plus de 50 pays différents en 2022. L’Église catholique a toujours été représentée par des cardinaux mais cette fois, malgré ses problèmes de santé et ses difficultés à se déplacer, le pape François a tenu à faire le déplacement lui-même.
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Praedicate Evangelium, pour une Eglise synodale "en sortie"
Par sa constitution apostolique Prædicate Evangelium (Prêchez l’Evangile) du 19 mars 2022, le pape François achève sa réforme de la Curie romaine, initiée au début de son pontificat. Sans se livrer à une analyse approfondie de la réforme, on peut en tirer les traits principaux pour en discerner le fond.
Une réforme à l’origine étonnante

La réforme de la Curie romaine par le pape François trouve son origine… avant même son élection au souverain Pontificat. Des mots mêmes de Mgr Mellino lors de la conférence de présentation du 22 mars 2022, la réforme s’est faite «en vertu du mandat et des indications précises que les Congrégations générales, tenues dans les jours précédant le Conclave, avaient spécifiés pour le nouveau Pontife à élire». Comme si le Souverain Pontife n’était que le représentant élu des évêques, agissant en vertu d’un mandat de délégué. De fait, le pape n’a pas tardé à agir, puisque qu’un mois seulement après son élection, il instaurait le fameux conseil des cardinaux (C9, devenu depuis C6), pour l’aider dans le gouvernement de l’Eglise universelle et travailler avec lui à la réforme de la Curie romaine. Parmi ces cardinaux, on notera la présence du cardinal Reinhardt Marx.
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Traditionis Custodes, Rome enfonce le clou
La Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, en la personne de Mgr Arthur Roche, a publié le 18 décembre 2021 une réponse à onze questions sur la manière d’appliquer le Motu Proprio Traditionis Custodes (Responsa ad Dubia). Un texte officiel approuvé par le pape, qui balaie l’espoir d’une lecture souple du Motu Proprio par les évêques diocésains. A moins que...
Rester attaché à la liturgie « traditionnelle » va à l’encontre de la communion ecclésiale
Dans sa lettre d’accompagnement, Mgr Roche est très clair : au concile Vatican II « les pères conciliaires ont ressenti l’urgence d’une réforme afin que la vérité de la Foi célébrée apparaisse toujours plus dans toute sa beauté ». Cette réforme est irréversible et la refuser va de soi à l’encontre de la communion ecclésiale « qui s’exprime en reconnaissant dans les livres liturgiques promulgués par les saints pontifes Paul VI et Jean-Paul II, […], l’unique expression de la lex orandi du rite romain ». Autrement dit la liturgie « traditionnelle » ne peut plus être considérée comme forme légitime du rite romain car elle ne traduit pas en rites liturgiques la Tradition « vivante » de l’Eglise exprimée par le concile Vatican II. Un petit coup d’œil à gauche dans la revue Golias1 éclaire encore la position romaine. L’abbé François-Xavier Amherdt2 y parle au nom d’un groupe de théologiens de la liturgie : « Le problème constitué par la coexistence des deux expressions du rite romain est véritablement théologique. Les deux formes ne se réclament pas de la même ecclésiologie, et il est donc très problématique de se situer pleinement au sein de l’Eglise catholique romaine sans accepter pleinement Lumen Gentium (sur l’Eglise), Dignitatis Humanæ (sur la liberté religieuse) et Nostra Ætate (sur le dialogue interreligieux) »3. Pour Rome la liturgie traditionnelle est le témoin d’une Tradition arrêtée dans le temps. Accepter en principe les enseignements de Vatican II ne suffit pas, il faut encore les vivre à travers la liturgie. Ne pas le faire est un acte qui va de soi contre la communion ecclésiale et l’unité de l’Eglise.
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Traditionis Custodes
A nouvelle croyance, nouveau rite : retour à la case départ. Par son motu proprio Traditionis Custodes du 16 juillet 2021, le pape François restreint drastiquement l’usage du missel de 1962 (messe dite « de saint Pie V ») et abroge à son sujet toute mesure et concession antérieures.
Summorum Pontificum,la messe tridentine libérée
Le 07 juillet 2007, Benoît XVI publiait le motu proprio Summorum Pontificum qui libéralisait largement l’usage du missel de 1962 et définissait deux formes d’un seul et même rite romain : la forme ordinaire (messe dite « de Paul VI ») et la forme extraordinaire (messe dite « de saint Pie V »). L’effort s’inscrivait dans sa logique de l’herméneutique de la continuité : pour Benoît XVI aucune rupture n’existe entre le concile Vatican II et la Tradition bimillénaire de l’Eglise. Aussi, les deux formes du rite romain devaient-elles être vues comme deux expressions fidèles de la même foi.
Le but était de « faire tous les efforts afin que tous ceux qui désirent réellement l’unité aient la possibilité de rester dans cette unité ou de la retrouver à nouveau »1. Benoît XVI balayait la crainte de remettre en cause l’autorité du concile Vatican II dans sa mesure la plus emblématique (la réforme liturgique) ou de favoriser des désordres ou des fractures dans la communauté ecclésiale. En effet, sa mesure ne visait que « les personnes qui acceptaient clairement le caractère contraignant du concile Vatican II »2 , et non la Fraternité Saint Pie X. Le recours à l’ancien missel ne pourrait être si fréquent, car il « présuppose un minimum de formation liturgique et un accès à la langue latine »3.

L’heure du bilan
Avec le pape François, l’heure du bilan a sonné. Courant 2020, la Congrégation pour la Doctrine de la foi a mené une vaste consultation auprès des évêques du monde entier pour faire un état des lieux sur l’application de Summorum Pontificum. Les réponses parvenues ont inquiété le pape, « attristé par une utilisation instrumentale du Missale Romanum de 1962, toujours plus caractérisée par un refus croissant non seulement de la réforme liturgique, mais du concile Vatican II, avec l’affirmation infondée et insoutenable qu’il aurait trahi la Tradition et la " vraie Eglise " »4. Et ce n’est pas la Fraternité Saint Pie X qui est visée, puisqu’elle était exclue des dispositions prévues par Benoît XVI. Les craintes balayées en 2007 sont brandies par François pour établir un constat d’échec, abolir Summorum Pontificum et établir de nouvelles normes « pour défendre l’unité du corps du Christ »5.
Les nouvelles dispositions sur l’usage de « l’ancien missel »
Traditionis Custodes est très clair : le missel de Paul VI est « la seule expression de la lex orandi du rite romain »6. Ce dernier n’a qu’une forme, et le missel de saint Pie V n’a plus droit de cité. L’évêque diocésain est seul compétent pour en autoriser l’utilisation pour les groupes de fidèles déjà constitués dans leur diocèse. Charge à lui de vérifier que « de tels groupes n’excluent pas la validité et la légitimité de la réforme liturgique, des préceptes du concile Vatican II et du magistère des souverains pontifes »7. Charge à lui aussi de fixer les jours et lieux de célébration, à l’exclusion des églises paroissiales, et sans créer de nouvelles paroisses personnelles. Il veillera à ne pas autoriser la constitution de nouveaux groupes, et nommera lui-même un prêtre qui sera chargé de leurs célébrations et de leur pastorale. Les prêtres qui célèbrent selon l’ancien rite devront demander à l’évêque diocésain l’autorisation de continuer. Pour ceux qui seront ordonnés après la publication du motu proprio, l’évêque devra consulter le Siège apostolique avant d’accorder l’autorisation.
Les instituts érigés à l’époque par la Commission Ecclesia Dei dépendront désormais de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique. Cette dernière veillera à l’observation de ces dispositions en collaboration avec la Congrégation pour le Culte divin et la discipline des Sacrements.
La réaction des communautés Ecclesia Dei
Réunis à Courtalain8 le 31 août 2021, 12 supérieurs de communautés Ecclesia Dei ont adressé une lettre aux évêques de France9. Proclamant leur incompréhension devant les accusations portées contre eux, ils réaffirment leur « adhésion au magistère (y compris celui de Vatican II et à ce qui suit) », et demandent que soit désigné un médiateur : « Nous sommes désireux de confier les drames que nous vivons à un cœur de père. Nous avons besoin d’écoute et de bienveillance et non de condamnation sans dialogue préalable ». Citant le pape François, (« l’unité n’est pas l’uniformité mais l’harmonie multiforme que crée l’Esprit-Saint »10), ils précisent être « désireux d’apporter [leur] modeste contribution à cette unité harmonieuse et diverse ». Et ils concluent par une nouvelle citation du pape, tirée d’Amoris Lætitia : « il s’agit d’intégrer tout le monde, on doit aider chacun à trouver sa propre manière de faire partie de la communauté ecclésiale, pour qu’il se sente objet d’une miséricorde imméritée, inconditionnelle et gratuite »11.
Vatican II et la liturgie traditionnelle : le mariage impossible
Le motu proprio et la lettre qui l’accompagne ont bouleversé par leur dureté tous ceux qui sont attachés à la liturgie traditionnelle. Mais, comme le rappelle l’abbé Pagliarani, supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, ils « doivent être pour nous l’occasion d’une réflexion profonde. […] L’ère de l’herméneutique de la continuité, avec ses équivoques, ses illusions et ses efforts impossibles, est drastiquement révolue, balayée d’un revers de manche »12. Le fond du problème est mis en exergue : « la messe tridentine exprime et véhicule une conception de la vie chrétienne et, par conséquent, une conception de l’Eglise qui est absolument incompatible avec l’ecclésiologie issue du concile Vatican II. […] Le problème est à la fois doctrinal, moral, spirituel, ecclésiologique et liturgique […] : c’est une question de foi. […] D’un côté se trouve la messe de toujours, étendard d’une Eglise qui défie le monde et qui est certaine de la victoire, car sa bataille n’est autre que la continuation de celle que Notre-Seigneur a menée pour détruire le péché et le royaume de Satan. De l’autre côté se dresse la messe de Paul VI, expression authentique d’une Eglise qui se veut en harmonie avec le monde. […] La bataille de ces cinquante dernières années, […] n’est pas la guerre entre deux rites : elle est bel et bien la guerre entre deux conceptions différentes et opposées de l’Eglise et de la vie chrétienne, absolument irréductibles et incompatibles l’une avec l’autre »13.
Et le pape François ne s’y trompe pas, si la messe traditionnelle n’est pas purement et simplement interdite ce n’est, dit-il, que pour « pourvoir au bien de ceux qui […] ont besoin de temps pour revenir au rite romain promulgué par les saints Paul VI et Jean-Paul II »14. On ne peut être plus clair.
1. Lettre de Benoît XVI accompagnant le motu proprio Summorum Pontificum.
2. Ibidem
3. Ibidem
4. Lettre du Pape François accompagnant son motu proprio Traditionis Custodes.
5. Ibidem
6. Traditionis Custodes, article 1.
7. Traditionis Custodes, article 3, §1
8. Maison générale de l’Institut du Bon Pasteur
9. Parmi les signataires on peut citer entre autres la Fraternité Saint Pierre, les Instituts du Christ-Roi et du Bon Pasteur, les Bénédictins du Barroux, ou les Dominicains de Saint Vincent Ferrier.
10. Vidéo-message du 13/08/2021 aux participants du congrès continental de la vie religieuse de l’Amérique latine et des Caraïbes.
11. Amoris Lætitia, n° 296-297.
12. Lettre de l’abbé Pagliarani au sujet du motu proprio “Traditionis Custodes”, disponible sur le site La Porte Latine ou FSSPX Actualités.
13. Ibidem
14. Lettre du pape François accompagnant son motu proprio Traditionis Custodes.
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Le Rhin se jette dans le vide
Le Chemin synodal allemand, vers une Eglise nationale indépendante et schismatique ?
Le rapport « MHG »
La Conférence épiscopale allemande (Deutsche Bischofskonferenz, DBK) a commandé entre 2014 et 2018 une large étude auprès des trois universités de Mannheim, Heidelberg et Giessen, dite « étude MHG ». Menée par des chercheurs de toutes spécialités (psychiatres, criminologues, sexologues…), non catholiques et indépendants, l’étude portait sur la recherche de causes systémiques aux abus sexuels dans l’Eglise, afin de traiter le problème en Allemagne.

Partant de l’a priori que les abus sexuels trouvent dans la structure même de l’Eglise un terrain favorisant, le rapport MHG met « scientifiquement » en lumière trois causes principales aux déviances : le pouvoir clérical, la morale sexuelle culpabilisante et l’imposition du célibat sacerdotal.
La DBK s’est attelée dès 2018 à l’étude de ce rapport, ce qui aboutit en mars 2019 à l’annonce d’un événement spécial par son président d’alors, le cardinal Reinhard Marx : le Chemin synodal.
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Une année pour Saint Joseph
8 décembre 2020 - 8 décembre 20212020 a marqué le 150e anniversaire de la proclamation du chef de la Sainte Famille comme Patron de l’Eglise universelle. A cette occasion le pape François lui dédie une année spéciale dans sa lettre apostolique Patris corde (Avec un cœur de père) du 8 décembre 2020.
A l’origine, un acte du Pape Pie IX
Le 8 décembre 1870, poussé par la situation de l’Eglise attaquée de toutes parts, Pie IX proclamait solennellement saint Joseph Patron de l’Eglise universelle :
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Fratelli Tutti (tous frères)
La nouvelle encyclique du pape François est sous-titrée «sur la fraternité universelle et l’amitié sociale» : comme à l’accoutumée, des constats non dénués de fondement mais des solutions humanistes, très éloignées de l’enseignement traditionnel de l’Eglise. Inquiétant à plus d’un titre…
Le 3 octobre 2020, le pape François a signé à Assise la troisième encyclique de son pontificat, intitulée Fratelli Tutti (tous frères). Adressée non seulement aux chrétiens, mais aussi à toute personne de bonne volonté, elle se focalise sur la dimension universelle de la fraternité et de l’amitié sociale. Le Saint-Père s’inspire des nombreuses interventions dans lesquelles il a déjà évoqué ce sujet, spécialement la déclaration cosignée avec le grand imam d’al-Azhar, Ahmad el-Tayeb, lors de la rencontre «Fraternité Humaine» du 4 février 2019. Il se dit aussi particulièrement «stimulé par saint François d’Assise, et également par d’autres frères qui ne sont pas catholiques : Martin Luther King1, Desmond Tutu2, Mahatma Mohandas Gandhi3 et beaucoup d’autres encore»4.
Les Droits de l’Homme comme référence, la dignité de la personne humaine comme vérité transcendante
Prenant pour référence la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948, le pape regrette sans détour que «l’égale dignité de tous les êtres humains, solennellement proclamée il y a soixante-dix ans, [ne soit pas] véritablement reconnue, respectée, protégée et promue en toute circonstance»5. Selon lui, c’est pourtant par l’obéissance à cette vérité transcendante que l’homme acquiert sa pleine identité, et c’est ce principe sûr qui garantit des rapports justes entre les hommes. Aussi place-t-il tous les maux dont souffre le monde «dans la négation de la dignité transcendante de la personne humaine, image visible du Dieu invisible et [...] de par sa nature même, sujet de droits que personne ne peut violer [...]»6.Lire la suite...La nouvelle encyclique du pape François est sous-titrée «sur la fraternité universelle et l’amitié sociale» : comme à l’accoutumée, des constats non dénués de fondement mais des solutions humanistes, ...
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Querida Amazonia - Les rêves du pape François
Le synode sur l’Amazonie, tenu du 6 au 27 octobre 2019 au Vatican, devait donner lieu à la publication d’une exhortation apostolique du pape François se prononçant sur ses conclusions. Le document de 32 pages, baptisé Querida Amazonia, a été publié le 12 février 2020.
Dans son exhortation, le pape ne cite pas le document final du synode, pour ne pas le remplacer ni le répéter, mais il invite à le lire intégralement. Pour sa part il « souhaite exprimer les résonances qu’a provoquées en [lui] ce parcours de dialogue et de discernement » et « fournir un bref cadre de réflexion […] qui aide et oriente vers une réception harmonieuse, créative et fructueuse de tout le chemin synodal »1. Querida Amazonia est divisée en quatre chapitres, présentant les quatre rêves du pape pour l’Amazonie.
Un rêve social
Le pape insiste sur le fait que, pour être intégrale, l’écologie doit nécessairement avoir une dimension sociale. En Amazonie particulièrement, l’habitant est inséparable du cadre naturel dans lequel il vit en symbiose. Détruire ce cadre, c’est détruire le contexte culturel des populations autochtones et les pousser dans les grandes villes où elles sont privées de tous repères et livrées aux réseaux de corruption et de trafic. Il est injuste que pour le profit d’une minorité les plus pauvres soient lésés. Aussi le pape appelle-il à une profonde compréhension et au dialogue avec les populations autochtones pour éviter que la mondialisation ne se transforme « en un nouveau type de colonialisme »2. Il demande à cette occasion « humblement pardon, non seulement pour les offenses de l’Eglise elle-même, mais pour les crimes contre les peuples autochtones durant ce qu’on appelle la conquête de l’Amérique »3. « Le défi est d’assurer une mondialisation dans la solidarité, une mondialisation sans marginalisation. »4

Un rêve culturel
« De même qu’il y a des potentialités dans la nature qui peuvent se perdre pour toujours, la même chose peut arriver avec les cultures qui portent un message non encore écouté »5. Pour le pape, Dieu se manifeste à travers un territoire et ses caractéristiques ; aussi, les peuples qui l’habitent développent-ils un mode particulier de sagesse. Il appelle les personnes qui ont perdu le contact avec leur culture d’origine à revenir à la source et encourage la mise par écrit des traditions orales. Il reconnaît que les cultures de l’Amazonie profonde ont leurs limites mais fustige celles des cultures occidentales. Selon lui, recueillir l’expérience de vie des ethnies qui ont développé un trésor culturel en étant liées à la nature fera du bien à nos « cultures prétendument plus évoluées », rongées par le « consumérisme, l’individualisme, la discrimination [et] l’inégalité »6.
Un rêve écologique
Le pape décrit l’Amazonie comme fondamentale pour l’équilibre planétaire. Pour lui, l’utiliser sans discernement comme ressource met en danger la maison commune. A ce titre, il loue les organismes internationaux et les organisations de la société civile qui sensibilisent les populations et utilisent des systèmes de pression « légitime », pour que chaque gouvernement préserve l’environnement et les ressources naturelles de son pays. Il insiste sur l’urgence de créer un système normatif qui donne des limites infranchissables et assure la protection des écosystèmes. Enfin, s’adressant aux chrétiens, il confond en une étrange symbiose Jésus et la nature et appelle les croyants à trouver dans l’Amazonie « un lieu théologique, un espace où Dieu lui-même se montre et appelle ses enfants »7.
Un rêve ecclésial
Le pape rappelle que la spécificité propre de l’Eglise est l’annonce de l’Evangile, annonce qui implique selon lui un double mouvement : « d’une part une dynamique de fécondation qui permet d’exprimer l’Evangile en un lieu », d’autre part une dynamique de réception « qui l’enrichit de ce que l’Esprit a déjà semé mystérieusement dans [la] culture » du lieu. De cette manière, « l’Esprit Saint embellit l’Eglise, en lui indiquant de nouveaux aspects de la Révélation et en lui donnant un nouveau visage »8. Le pape appelle alors à l’inculturation la plus profonde possible et à la révision complète de la formation des prêtres, afin qu’ils acquièrent les capacités que requiert le dialogue avec les cultures amazoniennes : la pastorale avant tout.
On notera qu’il ne donne pas d’indications précises sur la future organisation de l’Eglise en Amazonie mais plutôt un cadre de réflexion. Il ne dit pas un mot de la proposition d’ordination d’hommes mariés (ni pour encourager, ni pour condamner). Il semble en effet que cette proposition du synode ne constitue pas à ses yeux la véritable solution au manque de prêtres. De son côté il va plus loin, appelant de ses vœux une Eglise moins dépendante du clergé. Il réduit l’essence de la prêtrise à deux sacrements : l’Eucharistie et la Pénitence. Tout le reste n’est pas essentiellement sacerdotal et peut donc être confié à d’autres personnes, même laïques, mention particulière faite des femmes. Il en est de même pour le pouvoir de gouvernement : « certains pensent que ce qui distingue le prêtre est le pouvoir, le fait d’être l’autorité suprême de la communauté. Mais saint Jean-Paul II a expliqué que, même si le sacerdoce est considéré comme " hiérarchique ", cette fonction n’équivaut pas à le mettre au-dessus des autres mais l’ordonne " totalement à la sainteté des membres du Christ "»9.
« Cela demande à l’Eglise une capacité d’ouvrir des chemins à l’audace de l’Esprit, pour faire confiance et pour permettre de façon concrète le développement d’une culture ecclésiale propre, nettement laïque. »10
Reste à attendre les propositions concrètes que feront les conférences épiscopales sur la base de ces réflexions. Mais sans illusion. Car, comme le soulignait il y a peu notre aumônier: « Confronté à la réalité de la chute vertigineuse des vocations et de la pratique religieuse, ce songe béat est un mensonge. Aujourd’hui comme hier, saint Paul dit aux Romains : " il est l’heure désormais de nous réveiller " (Rm 13, 11) ».
- Querida Amazonia §2
- Idem §14
- Idem §19
- Idem §17
- Idem §28
- Idem §36
- Idem §57
- Idem §68
- Idem §87
- Ibidem §94
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La réforme de la curie romaine
Le 13 avril 2013, reprenant une suggestion faite au cours des Congrégations générales ayant précédé le conclave, le pape François constituait un groupe de neuf cardinaux (C9) venus du monde entier pour le conseiller dans le gouvernement de l’Eglise et étudier un projet de réforme de la curie romaine.
Le pape et la Curie avant le concile Vatican II
Le code de droit canon de 1917 rappelait que le successeur de Pierre «a le pouvoir de juridiction suprême et entier sur l’Eglise universelle, tant dans les matières qui concernent la foi et les mœurs, que dans celles qui se rapportent à la discipline et au gouvernement de l’Eglise répandue dans le monde entier1». De tous temps les papes se sont fait assister par des personnes compétentes pour le gouvernement de l’Eglise. Formellement organisée par Sixte V en 1588, la curie romaine constituait avec ses congrégations, ses conseils et ses tribunaux, l’organe par lequel le pape exerçait seul son pouvoir suprême sur l’Eglise universelle. La Sacrée Congrégation du Saint Office, gardienne de la foi et des mœurs, avait la prééminence sur toutes les autres Congrégations et était présidée par le pape lui-même.
La collégialité au concile Vatican II et les réformes qui ont suivi
En 1964 le concile Vatican II introduisait la notion de collégialité, affirmant que «L’ordre des évêques, […] lui aussi, en union avec le Pontife romain son chef, […] est le sujet du pouvoir suprême et plénier sur toute l’Eglise […]2». Rapidement le synode des évêques était institué3, tandis que le concile demandait la généralisation et le renforcement des conférences épiscopales nationales, et la réforme de la curie romaine4. Les réformes de la Curie opérées par Paul VI5 et Jean-Paul II6 ont répondu à certains souhaits du concile, mais les résistances ne permettront pas à ces deux papes d’en modifier profondément le mode de fonctionnement. Elle restera encore un organe de gouvernement centralisé, à la main du pape seul, laissant peu de place à l’exercice du pouvoir suprême par le collège des évêques en tant que tel.
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"Amazonie, nouveaux chemins pour l'Eglise et pour une écologie intégrale"
Dès le 15 octobre 2017, le pape François annonçait la tenue, deux ans plus tard, d’un synode spécial sur le thème « Amazonie, nouveaux chemins pour l’Église et pour une écologie intégrale ». Nous y sommes.
Le synode sur l’Amazonie
Le synode, qui sera achevé avant la publication de ce numéro, aura rassemblé 185 pères synodaux parmi lesquels des évêques et archevêques des conférences épiscopales de 9 pays d’Amérique du Sud, des invités spéciaux comme Ban Ki Moon (ancien secrétaire général de l’ONU) et 55 auditeurs et auditrices « spécialistes de pastorale ».
Se revendiquant en droite ligne de l’encyclique Laudato si du 24 mai 2015 sur la sauvegarde de la « Maison commune », il se donne pour fin le discernement des nouveaux chemins par lesquels l’Eglise en Amazonie annoncera l’Evangile de Jésus-Christ dans les prochaines années.
Issu de la compilation des réponses recueillies après une large consultation des communautés d’Amazonie (plus de 87 000 participants), le document de travail officiel du synode (Instrumentum laboris) a été publié le 17 juin 2019 et servira de base aux discussions synodales.
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