Quand l’épreuve nous touche, nous sommes perturbés. Nous souffrons de l’épreuve elle-même mais aussi de nos réactions face à elle. Facilement, nous voici submergés par nos sentiments, nos émotions et nos angoisses.
Comment le mari et sa femme doivent-ils réagir face à la croix pour ne pas perdre le fil des événements, ne pas sombrer dans le découragement, l’épuisement et même le désespoir ?
La confrontation
Face à l’épreuve, notre foi doit tout d’abord nous éclairer, sous la motion du don d’intelligence : rien n’échappe au Bon Dieu. Le Créateur de toute chose est aussi Providence et il ne permettrait pas le mal s’il ne voulait en tirer un plus grand bien.
La confiance en Dieu : «Mon Dieu, je me fie en Vous !»
Le Bon Dieu nous aime et s’il permet cette épreuve dans ma vie, c’est qu’il veut me donner quelque chose à travers elle. Nous devons donc nous poser la question : «Que veut le Bon Dieu pour moi à travers cette épreuve ?» C’est donc un regard contemplatif sur la croix présente qu’il nous faut porter : «Mon Dieu je me fie à Vous». Cette prière de la vraie confiance contient toute la foi, l’espérance et la charité que peut manifester une âme chrétienne envers la Providence divine.
Garder la tête froide
Face au choc de l’épreuve, l’homme doit garder la tête froide, c’est-à-dire, commencer par prendre les coups en silence mais sans subir intérieurement, comme un lutteur qui encaisse les coups sans rigidité. Lors de la perte de l’Enfant Jésus, face à la réalité de son absence dans le groupe des voyageurs de Jérusalem, saint Joseph se tait dans le silence d’une âme forte. Ce n’est pas encore le moment de réfléchir aux solutions ; il faut voir le problème en face et pour l’instant, il s’agit de s’assurer que nous avons délimité l’ensemble du problème.
La femme sent le flot des émotions monter mais s’efforce de les garder à distance : «J’exagère probablement la difficulté» se dit-elle. Elle doit attendre que passe la vague de l’ensemble du choc, de la révélation douloureuse, de la nouvelle pénible. La Sainte Vierge a perdu son enfant, Dieu incarné, le Messie promis ; quelle épreuve ! Elle ne s’affole pas et se réfugie malgré la douleur qui lui serre et presse le cœur, dans la confiance en Dieu. Certaines ont besoin de parler pour évacuer le trop-plein d’angoisse ; dans cette étape de l’épreuve, l’important est de ne pas exagérer la difficulté ou atténuer le problème. Parler à son mari permet de rendre plus objective l’appréhension du malheur et de replacer l’épreuve dans ses justes proportions en utilisant les mots qui correspondent à la réalité.
La frustration
La souffrance est le mystère d’une privation, d’une perfection ou d’un bien que nous devrions avoir et que nous n’avons pas. Elle engendre une frustration intérieure.
L’abandon dans la souffrance : «Jésus, tout ce que vous voulez».
Mais notre petitesse ne peut comprendre ce mystère de la souffrance. La seule attitude qui convienne à notre faiblesse est de s’abandonner, c’est-à-dire, redevenir concrètement enfant entre les mains de Dieu notre Père ; regardons nos bébés qui se laissent faire sans se plaindre, avec confiance. C’est l’humilité concrète de l’enfant du Père céleste qui considère le tout de Dieu et le rien de la créature : «Jésus, tout ce que vous voulez, je le veux !»
Accepter sa vulnérabilité
Pour l’homme, c’est accepter l’humiliation que constitue sa vulnérabilité. Cette clairvoyance et lucidité sur ses propres limites, permet de dominer sa frustration en la regardant en face au lieu de la subir en soi comme un feu nous dévorant de l’intérieur. Saint Joseph part à la recherche de Jésus «au milieu de leurs connaissances» malgré les regards goguenards et moqueurs.
Pour la femme, c’est accepter l’incertitude et l’imperfection d’une situation qu’elle pensait être sous contrôle (par exemple le désordre moral d’un enfant entré dans l’âge adulte). Elle doit alors se laisser pétrir par la souffrance qu’elle ne peut empêcher. Au milieu de ces recherches, la sainte Vierge ne murmure pas des paroles aigres ou amères ; elle laisse son mari prendre les recherches en main, elle conseille, elle suggère, mais demeure dans une humble passivité face à la croix contre laquelle elle ne regimbe pas.
L’acceptation
Le mystère du désordre du péché, de la souffrance et du mal est résolu dans la vertu, la souffrance et le bien de Jésus mourant sur la Croix : «Il n’y a de salut en aucun autre».
L’union à la Croix de Jésus : «Jésus, avec vous».
Le mystère du corps mystique nous amène à reproduire en nos vies l’incarnation, la Passion et la mort de Jésus, avant de jouir de Lui dans l’autre vie au paradis. «Si nous souffrons avec lui, nous seront glorifiés avec Lui». Il s’agit donc pour nous de rejoindre Jésus dans la prière, la méditation, le silence de la contemplation et l’union de nos souffrances avec les siennes sur la Croix.
Identifier le problème et ses solutions
Pour l’homme, il est temps de prendre du temps, seul, afin de permettre à la raison de reprendre vraiment le contrôle de la situation ; il sollicite aussi des conseils auprès d’un ami, d’un prêtre, d’un père afin de ramener le problème à ses véritables proportions. Dans ce travail, il peut énumérer froidement les solutions, autant que possible sans affect ni perturbation des passions. Enfin, il doit décider et agir ; c’est la part de la volonté. Après leurs recherches infructueuses, saint Joseph décide de retourner à Jérusalem.
La femme a besoin d’échanger avec son mari pour parvenir à discerner l’objectif (ce qui est extérieur à mon imagination, comme un objet) du subjectif (ce qui est intérieur, issu de mon imagination) ; dans cette phase, elle veille à ne pas prendre de position catégorique car la complexité du réel exige beaucoup de circonspection avant de poser un jugement. Pour elle, il s’agit de s’en tenir aux faits et tenir son ressenti «à distance» ou «sous contrôle». De plus, elle est prête à accepter l’imperfection d’une solution en regardant ses avantages. La sainte Vierge obéit à saint Joseph et suit son mari à Jérusalem malgré les incertitudes qui demeurent et l’angoisse qui l’étreint.
La solution
À travers la souffrance ainsi surnaturellement acceptée, retentit toujours l’appel éternel de Jésus aux âmes généreuse : «Celui qui veut être mon disciple, qu’il se renonce, qu’il prenne sa Croix et qu’il me suive».
Le don de soi renouvelé : «Jésus, je vous aime».
La réponse de l’âme chrétienne est la générosité à porter sa croix à la suite de Jésus ; ainsi nous nous livrons à l’amour de Dieu qui nous appelle à nous oublier pour nous donner à Lui dans la conformité de notre volonté à la sienne : «Père, s’il est possible que ce calice s’éloigne de moi… Cependant que ce ne soit pas ma volonté mais la vôtre qui soit faite». Ainsi, la sortie de nous-mêmes par la charité, la véritable extase de l’amour, nous fait nous perdre en Dieu pour devenir une seule volonté avec Lui, une seule lumière, un seul esprit, un seul amour.
Agir concrètement et faire l’inventaire des aspects positifs
L’homme parviendra à canaliser les passions négatives (tristesse, désespoir, crainte, etc.) par une action décidée en vue d’un but déterminé ; par la réflexion de l’étape précédente, il a identifié les étapes des solutions et reprendra courage à mesure du chemin déjà parcouru. Pendant trois jours, saint Joseph recherche l’Enfant Jésus, avec persévérance, sans se lasser devant l’échec apparent de son action.
La femme aussi peut canaliser les sentiments accablants qui la dépriment par l’action auprès des autres ; c’est dans le don de soi, l’oubli de notre égoïsme et le sacrifice de notre confort que nous trouvons la joie. La femme a une capacité au sacrifice qui est admirable ; elle progresse en considérant le bien qu’elle fait autour d’elle ; elle trouve la joie en écoutant la musique héroïque qui monte en son cœur. La Sainte Vierge se donne ainsi toute entière dans cette recherche de l’Enfant Jésus ; son cri du cœur nous révèle cette inquiétude maîtrisée par l’oubli de soi : «Mon fils pourquoi avoir agi ainsi envers nous ?».
Dans l’épreuve, la prière est toujours la bonne solution : elle seule nous permet de conserver l’esprit surnaturel et de retrouver l’équilibre intérieur par la grâce de Dieu. L’humilité qui accepte la souffrance, rebondit dans la confiance et se termine en l’abandon de l’enfant. L’abnégation de nous-mêmes en acceptant la croix comme le sacrifice qui rendra à Dieu l’amour que le péché lui avait dénié, nous donnera aussi la vie, nous identifiant à Jésus mort et ressuscité : «Vous êtes morts et votre vie est cachée en Dieu avec le Christ». Mystérieusement, c’est dans la croix généreusement portée à la suite de Jésus que nous trouvons la joie et la paix de la charité parfaite.