Comment éduquer au beau ?
Nous le comprenons bien, le beau élève l’âme. Il est un puissant moyen d’éducation que Dieu met à notre disposition et qui se présente dans mille occasions concrètes de la vie quotidienne. Si nous donnons à nos enfants cette habitude du beau, ils seront d’autant plus facilement portés au repos de la contemplation ainsi qu’à l’attrait de la perfection chrétienne au milieu du monde qui prône l’éparpillement, la dissipation et tire sans cesse vers le matérialisme et la sensualité.
Eveiller l’admiration
La beauté ne doit pas être perçue comme quelque chose d’exceptionnel réservé à des « happy few ». Elle doit faire partie de notre quotidien y compris dans ce qu’il a de plus banal car « Pour qui sait regarder et comprendre, elle peut être un spectacle permanent. (…) Le beau, c’est la vie même, à condition de la considérer d’un oeil un peu contemplatif. » (Jean Ousset).
Pour goûter le beau, il faut apprendre à le voir, c’est-à-dire à ne pas être désenchanté. En effet, il est peu probable qu’un esprit ayant perdu le goût de la contemplation quotidienne soit touché par les sommets de la beauté que sont les vies les plus sublimes ou les créations artistiques les plus parfaites.
Soyons donc attentifs à apprendre à nos enfants à admirer quotidiennement : un beau bouquet de fleurs, une belle table, un paysage ou un bel édifice, une belle tenue ou une belle démarche, les beaux exemples de gentillesse ou de dévouement de ceux qui nous entourent… autant de multiples reflets de l’ordre divin qu’ils apprendront à reconnaître et à distinguer derrière ce qui réjouit les sens. Ils sauront ainsi reconnaître et trouver le beau là où il est.
De plus, l’admiration porte à la gratitude et à l’action de grâce : saint François d’Assise nous en offre un bon exemple dans son cantique des créatures, où s’émerveillant de la beauté qui l’entoure, il en goûte une joie profonde qui le porte à remercier.
Nourrir l’admiration
Une fois éveillée, cette admiration pour le beau doit être nourrie et entretenue. Le milieu familial a naturellement une importance primordiale dans l’éducation des enfants au beau. Rechercher la beauté malgré les diverses influences extérieures leur sera d’autant plus facile qu’ils en auront été nourris dès leur plus jeune âge. Il est donc nécessaire de nourrir l’admiration des enfants pour le beau, pour que celle-ci ne soit pas détournée au profit du médiocre ou de l’indigent. Cette éducation ne se fait pas seulement en leur offrant de temps à autre une sortie au musée, au théâtre, au concert ou dans un beau château. Elle doit avant tout leur offrir ce beau chez eux. Ainsi pourrions-nous reconsidérer notre intérieur au regard des exigences de la beauté, et ce dans tous les domaines : musiques, livres, jeux, films, ambiance familiale, langage, vêtements, décorum…
Présentons quelques exemples : les registres de musique écoutés chez nous sont-ils réservés à tout ce qui élève l’âme, au moins par la joie « innocente », et au plus haut degré par le sacré, ou proposons-nous facilement de manière anodine tout type de musique qui exalte la mélancolie, l’excitation, l’orgueil, la sensualité, voire l’erreur ou l’immoralité…?
Les lectures, les films et autres dessins animés qui nourrissent l’imagination de nos enfants sont-ils empreints de beaux sentiments et de beaux exemples, ou indifféremment de médiocrité, de fausseté et de superficialité du moment qu’ils sont palpitants ou se lisent bien ? Quels sont les héros dont ils s’inspirent ? Ceux de Star wars, Twilight, James Bond ou les héros de notre patrie, des romans de chevalerie, des vies des saints… ?
Les vêtements que nous leur choisissons reflètent-ils vraiment la distinction ou la superficialité ? La modestie ou simplement la négligence et le mauvais goût sous prétexte de simplicité et d’économie ? Pour les plus jeunes, les comptines sont-elles les versions revisitées actuelles type jazz et voix stupides, ou choisissons-nous des interprétations harmonieuses aux voix fraîches et agréables ? Leurs livres sont-ils illustrés avec goût ou par des dessins sans queue ni tête ? Leur panoplie scolaire est-elle un ensemble sobre et efficace, ou un composé de superflu tape-à-l’oeil rose fluo à paillettes estampillé des derniers héros de dessin animé ?
Et dans le courant de la vie familiale exalte-ton la splendeur du bien dans ces « petites » vertus du foyer que sont la politesse, l’effacement, la gratitude, la bonne humeur, l’exactitude ? Petites, parce qu’elles passent souvent inaperçues quand elles sont pratiquées, alors qu’elles peuvent à très juste titre susciter l’admiration quotidienne.
Ces multiples détails du milieu familial ne sont pas des points de détail. Ils contribuent, chacun selon leur degré d’importance, à plonger les enfants dans l’univers du beau, et former ainsi un solide bon sens dans le goût et le jugement.
Rechercher la splendeur de l’ordre
La beauté s’efface devant le désordre, elle est incompatible avec lui. Le cadre familial doit donc s’efforcer de refléter l’ordre dans trois domaines :
D’abord dans l’aménagement global de la maison, où l’ameublement et la décoration doivent correspondre à la nature de la pièce : on ne meuble ni ne décore une cuisine comme un salon ou une chambre : règle de base pour un ensemble harmonieux.
En second lieu l’ordre se manifeste dans le rangement : l’habitude que chaque chose soit à sa place.
Enfin l’ordre se manifeste dans le rythme régulier des journées familiales : l’habitude que chaque chose soit faite en son temps, ce qui suppose une vie réglée.
Nous savons que l’ordre est une condition essentielle de la beauté, mais il est intéressant d’ajouter aussi cette recommandation du père Charmot : « il serait bon que nos enfants fussent persuadés que nous tenons absolument à cette splendeur de l’ordre. (…) Avec l’observation religieusement fidèle d’un règlement et l’habitude de respecter l’ordre partout dans les plus petits détails, on fait acquérir, pour ainsi dire mécaniquement, une qualité éminente, une des plus importantes parmi les vertus nécessaires, je veux parler de la maîtrise de soi. »