L'économie familiale
S’adressant aux jeunes époux le 26 juin 1940, le pape Pie XII leur disait ceci : « La famille est le principe de la société. [Celle-ci] est formée, non point d’un conglomérat d’individus qui apparaissent un instant pour disparaître ensuite, mais de la communauté économique1 et de la solidarité morale des familles, qui transmettent de génération en génération le précieux héritage du même idéal, de la même civilisation et de la même foi religieuse, et assurent ainsi la cohésion et la continuité des liens sociaux. »
La famille ne se nourrit pas seulement d’amour et d’eau fraîche. Elle n’est certes pas une société à but lucratif mais comme toute société temporelle, elle doit trouver les moyens de subsister et se développer grâce au bon usage de l’argent. Pas d’argent sans revenu ; à moins d’être rentier, il faut donc travailler et gérer avec adresse l’argent gagné pour ne pas le gaspiller. L’argent ne doit ni couler ni dormir. Pie XII disait : «Que de capitaux se perdent dans le gaspillage, dans le luxe, dans l’égoïste et fastidieuse jouissance, ou s’accumulent et dorment sans profit 2»
Dans une famille nombreuse, les postes de dépenses ne manquent pas, à commencer par le logement et la scolarisation… Nous vous en donnons un aperçu dans ce dossier.
Nul bien sans peine. Tel est le châtiment de la chute mais aussi la possibilité du relèvement comme nous l’indique Henri Pourrat dans Sous le pommier3, dédié aux proverbes de la terre. On relira avec profit ce condensé de sagesse paysanne pour se rendre compte du travail acharné fourni pas nos aïeux pour arracher à la terre leur subsistance et l’on admirera pour s’en inspirer leur aptitude à s’attacher au réel et en tirer le meilleur parti. Ainsi de la famille du père Claude-Etienne Pernet, fondateur des Petites Soeurs de l’Assomption au XIXe siècle : «Voilà où Claude Pernet, père de Claude-Étienne, pouvait promener, en propriétaire, son pas massif de paysan comtois. Une petite aisance régnait donc au foyer (…) De père en fils, on avait rudement travaillé dans la ferme de Vellexeron, Claude était à son tour réputé pour son travail acharné et consciencieux. Il lui valait ainsi que la netteté de sa vie familiale, une estime unanime.4»
Madeleine, la femme de Claude n’était pas en reste : «une chrétienne en profondeur qui, jeune fille, épouse, mère, porta au point de perfection, sans faire de bruit, les vertus propres à son état» et sut transmettre une éducation authentiquement chrétienne à ses quatre enfants tout en exerçant la profession de sage-femme et en donnant gratuitement des soins aux plus indigents.
Bien gérer son budget familial, savoir épargner et investir, sans oublier de faire l’aumône, tels sont les principaux thèmes de ce dossier. Vous y trouverez des conseils simples, de bon sens et qui s’adressent à tous, jeunes et moins jeunes, fortunés ou non. Nous avons également tenu à y ajouter un témoignage sur l’entreprise familiale et le «retour à la terre». Il ne s’agit pas d’en faire un modèle idéal mais de montrer que cela est réalisable à condition d’avoir «les pieds sur terre.»
Ajoutons que ces conseils n’ont de sens que si nous avons une vision chrétienne de l’usage des biens temporels considérés comme un moyen et non une fin. Terrena despicere, voir les choses du temps avec le regard de la foi pour en relativiser la valeur, voire s’en détacher, en tout état de cause en user comme moyens utiles en vue du Ciel, nous rappelle l’abbé André dans son dernier livre Conseils d’un prêtre pour un temps troublé.5 .
1. C’est nous qui soulignons.
2. Discours du pape Pie XII aux participants au Congrès international du Crédit, 24 octobre 1951.
3. Henri Pourrat, Sous le pommier, illustration d’Henri Charlier, 1945.
4. Gaëtan Bernoville, Le Père Pernet fondateur des Petites Soeurs de l’Assomption, Grasset, 1944.
5. Abbé Jean-Paul André, Conseils d’un prêtre pour un temps troublé, Via Romana, 2024