"Ne nous laissez pas succomber à la tentation"
On se rappelle cette épître de la sexagésime où saint Paul nous rapporte tous ses titres de gloire au service du Christ et de l’Evangile et où il nous confesse ses tentations, cet aiguillon de la chair, cet ange de Satan qui venait le souffleter. Par trois fois il avait demandé au Seigneur de l’en délivrer et n’avait pas été exaucé : Notre-Seigneur lui avait répondu : « Ma grâce te suffit, car la vertu atteint sa perfection dans la faiblesse », « Nam virtus in infirmitate perficitur ».
Cette réponse de Notre-Seigneur mérite que l’on s’y arrête quelques instants car elle jette une puissante lumière sur notre vie spirituelle.
Trop souvent, comme saint Paul, nous demandons dans nos prières d’être délivrés de nos tentations, de nos épreuves, d’être guéris de nos maladies, qu’elles soient corporelles ou spirituelles… C’est un réflexe bien naturel… mais combien peu surnaturel ! Si l’on y réfléchit un instant, nous demandons à Dieu d’échapper à la croix, à l’épreuve. Nous aimerions la victoire et la récompense sans avoir à combattre ! Alors que Dieu nous demande tout le contraire : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renonce, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive », « le disciple n’est pas au-dessus du maître ». Rappelons-nous que nous sommes encore sur terre, que nous faisons partie de l’Eglise militante, c’est-à-dire combattante. Oui, nous sommes engagés dans un combat qui ne cessera qu’au ciel ! Vouloir ignorer cela, c’est se tromper gravement sur la nature de notre séjour terrestre, c’est risquer de passer à côté du combat et de perdre ainsi la victoire et la couronne de gloire !
Les combats, les croix, les épreuves sont les réalités qui donnent toute sa valeur à la vie chrétienne. Ce sont ces réalités qui font que la vie est passionnante et vaut la peine d’être vécue car il s’agit ni plus ni moins de suivre Notre-Seigneur, l’imiter dans sa vie de Rédempteur et combattre à ses côtés pour remporter la couronne avec Lui !
Saint Paul par trois fois a demandé la fin de ce combat qui l’humiliait tant ! Mais telle n’est pas la volonté de Dieu. La volonté de Dieu est de permettre les tentations car elles sont pour nous les occasions d’exercer et de faire grandir nos vertus. Sans tentation, pas de vertu et sans vertu, pas de récompense. Tant que l’âme n’a pas été tentée, elle ne sait pas ce que vaut sa vertu. Il n’y a pas de courage tant que l’on n’a pas ressenti la peur. Le courage suppose la peur et la victoire sur cette peur. Il en est de même pour les autres vertus. Le petit enfant n’est pas pur : il est seulement innocent1 car il n’a pas eu encore à affronter les tentations de la chair. Il faudra attendre les premières victoires dans ce domaine pour vérifier si l’éducation à la pureté a été réussie et pour parler de vertu de pureté.
C’est encore la liturgie qui chante ainsi les mérites des saints dans la messe des confesseurs : « Il a pu faire le mal et ne l’a pas fait » et surtout « Bienheureux l’homme qui supporte la tentation, car lorsqu’il aura été éprouvé, il recevra la couronne de vie ». Oui, la tentation est nécessaire mais seulement comme occasion de la vertu, comme condition d’une vertu éprouvée. Bien évidemment, il serait stupide et même peccamineux de s’exposer inutilement à la tentation ! Ce serait tenter Dieu !
Notons bien que Notre-Seigneur, en nous apprenant à prier, ne nous fait pas demander d’éviter la tentation ou le combat mais de ne pas y succomber, c’est-à-dire d’être victorieux dans ce combat et ainsi d’éviter le mal. Nous demandons la victoire sur la tentation et la délivrance du péché qui est le véritable mal. La tentation est permise par Dieu, afin de faire grandir ses élus dans son amour et de fortifier leur volonté dans l’accomplissement de ses commandements.
La maman du petit Joseph Sarto, le futur saint Pie X, envoyait son fils avec un peu d’argent au marché en lui demandant de regarder les étalages mais de ne rien acheter (pour apprendre à résister à la tentation) et de revenir lui rendre compte. Ce petit exercice montre bien la sagesse d’une mère chrétienne qui habitue son enfant au combat tout en ne lui proposant qu’un combat proportionné à ses forces. Devant rendre des comptes à sa maman au retour, le petit Joseph ne risquait pas grand-chose : maman restait moralement présente à ses côtés.
Dans d’autres domaines, celui de la pureté par exemple, les bonnes habitudes doivent être ancrées très tôt dans l’âme de l’enfant, dès les premières années. Il s’agira par exemple de développer la pudeur qui sera le rempart de la pureté. Les parents veilleront à ce que la maison soit nette de tout ce qui pourrait ternir cette belle vertu : journaux, revues, catalogues, télévision et Internet. Les ravages du téléphone portable connecté à l’Internet sont désastreux et la responsabilité des parents trop faibles dans ce domaine est effrayante. C’est la ruine de la pureté, de l’esprit de sacrifice, la mort des vocations et la destruction programmée des futurs foyers. Les tentations qui surviennent naturellement au temps de la puberté sont déjà une rude épreuve pour beaucoup. Il est suicidaire de s’exposer à des tentations supplémentaires ! La morale catholique nous rappelle que s’exposer volontairement et sans raison suffisante à une occasion de péché grave est déjà un péché grave… car « qui aime le danger y périra ».
Alors oui, apprenons à demander à Dieu, non pas à fuir la croix, mais à savoir la porter quotidiennement avec courage, à supporter l’épreuve avec patience et à être victorieux de nos tentations pour être délivrés du mal et recevoir la couronne de vie, promise à ceux qui auront combattu selon les règles.
Abbé J.B. Frament
- Il faudrait nuancer cette affirmation en raison des inclinations vicieuses du péché originel mais ce n’est pas l’objet de cet article.
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