Le moyen intérieur : la méditation
Quels sont les principaux moyens destinés à éduquer la volonté ? Ceux qui ont pour but de fortifier les bons états affectifs et de détruire les mauvais, puis de les associer aux idées bonnes, dans la direction choisie : la sanctification. Ces moyens sont de deux types : intérieur, la méditation, et extérieur, l’action.
La réflexion méditative - Définition
La juxtaposition de ces deux termes, permet d’éviter la confusion avec la rêverie sentimentale (à proscrire avec vigueur), et avec l’étude intellectuelle qui ne vise qu’à acquérir des connaissances. En effet, la réflexion méditative ne vise pas à « meubler » l’âme, elle sert à « forger » l’âme.
La vérité rend libre. Si la vérité peut s’appréhender par l’étude intellectuelle, scientifique, théologique, la méditation est vitale : car c’est elle qui imprime l’âme du sceau vivant de la vérité. Si l’étude augmente la connaissance, la méditation débouche sur l’action ou tout au moins sur une résolution.
La réflexion méditative - Le silence
Payot compare la méditation à la cristallisation : il faut une solution saturée d’un composant donné, du temps et du calme, pour que le cristal se forme, assemblant couche après couche, dans un calme absolu, les milliers de petites molécules. Et seulement après un temps long, le cristal est beau, puissant, définitif, imposant. La méditation va choisir une idée, se focaliser dessus, et y associer tout ce qui s’y rapporte : sentiments, autres idées, etc., dans le calme, dans le silence et loin des distractions. Ainsi par la répétition, l’âme va se forger comme un cristal.
Pour méditer, il faut un environnement adéquat : des moments de silence quotidiens et un environnement organisé sans les distractions qui détournent du devoir. En effet, il y a un travail de connaissance de soi à mener, et cela ne peut se faire dans le bruit. La civilisation du bruit subie aujourd’hui n’est pas un hasard : il y a là une volonté délibérée d’aliénation des individus.
La réflexion méditative - Concrètement ?
- Le temps ! Il faut du temps, répéter les choses et les réflexions méditatives et persévérer. On ne forge pas une âme en trois jours, on la forge en une vie.
- Les circonstances et les détails : on retrouve là les compositions de lieu de saint Ignace. Si l’on veut ainsi se donner une raison pour réviser et obtenir un diplôme, on peut se dire «mes parents seront fiers de moi». C’est bien, mais ça ne suffit pas. Il est préférable de prendre le temps de se représenter ses parents, leurs efforts pour nos études, l’amour qu’ils nous portent, leurs inquiétudes pour notre avenir et, pourquoi pas, la bouteille de champagne qu’ils déboucheront pour fêter un succès, etc. Avec ce travail, on associe des idées et des sentiments entre eux, et là, la véritable volonté de travailler peut éclore.
- Entraînement et répétition : plus on médite, plus il est facile de méditer ; et plus on en goûte les bienfaits, plus on comprend à quel point cela rend «libre».
- Résolutions : la méditation doit aboutir à une résolution. Il y a les grandes résolutions (les deux étendards, la vocation, le mariage, etc.). Ce sont les idéaux, les grands mouvements de l’âme, l’affirmation d’une grande vérité sentie. Puis il y a les moyens pour parvenir aux grands idéaux, ces moyens ce sont les «petites» résolutions que nous pouvons prendre tout de suite. Les deux sont importantes : les grands idéaux donnent leur but et leur saveur aux petites résolutions, et les petites résolutions permettent d’atteindre les idéaux.
- Fuir le monde : il exerce une influence néfaste, il enchaîne (la puissance suggestive des mots, les modes, les comportements, et encore plus à notre époque, les musiques, les écrans, la publicité, etc.).
- Le silence : se réserver des instants pour faire ce travail de méditation, au mieux une fois par jour, au moins une fois par semaine.
- Habitude : la répétition d’une action méditée auparavant permet d’en faire une sorte de réflexe. Les actions deviennent plus prévisibles, libérées des circonstances extérieures. Par exemple, la répétition matinale d’une même action la rend plus certaine, même s’il vient une distraction. Plus ce travail est répété, plus il est efficace. Par-là, s’instituent les principes directeurs de la conduite, et donc de la vie.
- Observation : pour méditer, il faut avoir le sens du détail. Plutôt que penser les choses avec des mots souvent abstraits, se figurer en esprit tous les détails d’une chose, même les plus petits, afin que le mot qui désigne la chose prenne toute sa signification. Ainsi, par exemple, le mot travail est très abstrait, mais si on associe ce mot aux tâches particulières (lieu, collègues, ambiance, tâches, matériels, missions, responsabilités, etc.), alors le mot prend toute sa force et sa signification.
- Attitude et rituel : si efficaces pour méditer. L’attitude doit être propice à la méditation : il faut du calme. Si méditation non pieuse, avec un thé, un livre guide ; si méditation pieuse, avec des inclinations, des prières intercalées, des tableaux à se figurer. Il ne faut pas négliger ces petites habitudes, ces attitudes et ces répétitions, elles sont capitales. C’est ce que la liturgie catholique fait avec éclat et magnificence : l’encens, la lumière des vitraux, la musique, la répétition des prières, les attitudes, les mots, le mystère, le sacré, toutes ces attitudes et ces détails sensibles concourent à susciter dans l’âme les plus grands élans.