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Fiducia supplicans

Le 18 décembre 2023, le dicastère pour la Doctrine de la foi, présidé depuis peu par le cardinal Victor Manuel Fernandez, a jeté un pavé dans la mare en publiant la déclaration Fiducia supplicans qui autorise la bénédiction des couples irréguliers et de même sexe. Ce texte a été largement commenté, notamment dans le n°440 (janvier 2024) de la revue DICI où vous retrouverez le communiqué intégral du Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X. Nous nous bornons ici à présenter un aperçu des différentes réactions à cette déclaration qui « n’évite ni la confusion ni le scandale. » (Communiqué de l’abbé Pagliarani, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, le 19 décembre 2023).

Toujours plus loin…

Il y a un peu plus de deux ans, le dicastère pour la Doctrine de la foi publiait une réponse ad dubium affirmant l’impossibilité pour l’Église catholique de bénir les couples de même sexe car Dieu ne peut bénir le péché. Le texte, signé par le pape François, avait évidemment déçu la portion avant-gardiste de l’Église ; particulièrement en Allemagne et en Belgique où ces bénédictions étaient déjà en préparation dans le sillage du Chemin synodal allemand.

Mais c’était reculer pour mieux sauter. Ou faire le grand écart en tout cas. Tout en réaffirmant la doctrine de l’Église sur le mariage, Fiducia supplicans ouvre la possibilité d’une bénédiction des couples irréguliers et de même sexe, mais non sacramentelle ni liturgique. Une bénédiction spontanée, purement pastorale qui, de ce fait, ne serait pas une reconnaissance ou une approbation de l’union elle-même. Une invention opportune pour contenter tout le monde. Ou pas…

Les réactions ne se sont pas fait attendre, les voix de nombreux évêques et conférences épiscopales se sont levées dans le monde entier pour commenter le texte. Sans pouvoir tous les citer, un petit tour d’horizon s’impose.

De l’accueil favorable ou prudent…

Sans surprise, une partie de l’Europe et l’Amérique du Nord offrent un accueil globalement favorable. En Allemagne, en Belgique, en Autriche ou en Suisse, les évêques sont satisfaits. Ils militent depuis plusieurs années pour la reconnaissance des unions homosexuelles par l’Église catholique. Pour eux le texte ne va donc pas assez loin mais il est un pas considérable en avant ! Mgr Georg Bätzing, président de la Conférence épiscopale allemande, se dit reconnaissant de la perspective pastorale ouverte. Mgr Lackner, évêque de Salzbourg, exprime plus clairement la pensée collective en affirmant qu’il sera désormais impossible de refuser la bénédiction des unions entre personnes de même sexe. Et il ne prend pas la peine de distinguer entre bénédiction liturgique et bénédiction «pastorale». En Belgique, Mgr Johan Bonny, évêque d’Anvers, salue la déclaration et estime qu’elle aidera à aller de l’avant. De son côté, dans un communiqué du 19 décembre 2023, la conférence épiscopale suisse annonce que «cette décision correspond au souhait des évêques suisses d’une Église ouverte qui prend au sérieux, respecte et accompagne les personnes dans différentes situations relationnelles»... Le tout sous une image sensuelle de deux homosexuels en transparence devant une église. Le ton est donné, ils ne s’arrêteront pas là !

En France les évêques semblent plus divisés et ont dû trouver un consensus pour publier une déclaration prudente qui met en avant une interprétation plus proche du texte, sans appeler à aller plus loin. La déclaration se félicite du rappel de la doctrine catholique sur le mariage et apporte son soutien à la décision d’ouvrir aux couples irréguliers ou de même sexe une bénédiction spontanée, «non ritualisée» qui «les encourage dans leur désir de s’approcher de Dieu pour bénéficier du réconfort de sa présence et pour implorer la grâce de conformer leur vie à l’Évangile»1.

Les États-Unis et le Canada adoptent la même posture en restant sur une interprétation stricte. Pour la conférence épiscopale américaine, «l’enseignement de l’Église sur le mariage n’a pas changé, la déclaration l’affirme et s’efforce d’accompagner les personnes en leur donnant des bénédictions pastorales, car chacun d’entre nous a besoin de l’amour bienfaisant et de la miséricorde de Dieu dans sa vie»2. La conférence épiscopale canadienne est plus prudente encore en rappelant que «ces bénédictions doivent s’adresser aux personnes elles-mêmes plutôt qu’à leur situation3». Finalement tout va bien, Fiducia supplicans semble parfaitement orthodoxe et ouvre simplement une voie de salut aux personnes en situation irrégulière.

… Au rejet pur et simple

Heureusement, de nombreuses voix n’ont pas hésité à dénoncer publiquement la perversité qui se cache derrière ces bénédictions soi-disant non liturgiques.

Au Kazakhstan, Mgr Tomasz Peta et son auxiliaire Mgr Athanasius Schneider l’accusent de «grande tromperie » qui « contredit directement la révélation divine, la doctrine et la pratique ininterrompue et bimillénaire de l’Église catholique. […] Avec de telles bénédictions, l’Église catholique devient, sinon en théorie, du moins en pratique, un propagandiste de l’idéologie du genre mondialiste et impie4». La déclaration conclut par l’interdiction formelle à tout prêtre de l’archidiocèse d’effectuer toute forme de bénédiction de couples en situation irrégulière et de couples de même sexe.

La réaction du cardinal Gerhard Ludwig Müller, ex-préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi, n’est pas moins ferme : [en bénissant ces unions] «le prêtre les présente comme un chemin vers le Créateur. Il commet donc un acte sacrilège et blasphématoire contre le dessein du Créateur et contre la mort de Jésus pour nous».

Pour la France, notons la longue déclaration de Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, qui fustige le texte en rappelant qu’on ne peut bénir un couple sans bénir son union, et qu’«on est obligé de constater que cela a été reçu, quasi unanimement par les pro comme par les contra, comme une reconnaissance par l’Église des relations homosexuelles elles-mêmes»5.

Mais l’opposition la plus large et la plus médiatisée est venue d’Afrique où presque tout le continent a unanimement repoussé le texte. Après les déclarations de plus d’une dizaine de conférences épiscopales africaines repoussant fermement toute bénédiction de couples de même sexe6, le cardinal Ambongo, membre du C97 et président du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar, a demandé la rédaction d’un document de synthèse valable pour toute l’Afrique. Publié dès le 11 janvier, il s’intitule «Pas de bénédiction aux couples homosexuels dans les Églises d’Afrique»8. Et même si les évêques d’Afrique du Nord ont pris depuis leur distance avec ce document, il reste une des condamnations parmi les plus fermes et les plus représentatives à l’encontre de Fiducia supplicans.

On pourrait citer de nombreuses autres réactions de rejet en Pologne, en Hongrie, en Ukraine, en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, et même en-dehors de l’Église, comme le métropolite orthodoxe russe Hilarion qui affirme que Fiducia supplicans «a créé de nouvelles lignes de division, de nouveaux problèmes, et [qu’] il sera plus difficile de s’engager dans un dialogue fructueux après une telle déclaration».

Il est indéniable que Fiducia supplicans fera date dans l’histoire de l’Église, car même si l’opposition gronde, même si l’Afrique a été depuis dispensée de son application, qu’est-ce qui empêchera désormais la marche en avant des lobbies LGBTQ dans le sein même de l’Église ?

Le verrou a sauté. 


  1.  Déclaration du 10/01/2024 du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France.
  2.  Déclaration du 18/12/2023 sur le site de la conférence épiscopale américaine.
  3.  Déclaration du 19/12/2023 sur le site de la conférence épiscopale canadienne.
  4.  Déclaration du 18/12/2023 de l’archidiocèse de Sainte Marie à Astana.
  5.  Note de Mgr Aillet sur Fiducia Supplicans, du 29/12/2023.
  6.  Malawi, Nam. Note de Mgr Aillet sur Fiducia Supplicans, du 29/12/2023
  7.  Comité de neuf cardinaux créé par le pape François pour l’aider dans sa charge.
  8. Le Béninois libéré, Message du président du SCEAM.