Connexion Adhérent

La réforme de la curie romaine

Le 13 avril 2013, reprenant une suggestion faite au cours des Congrégations générales ayant précédé le conclave, le pape François constituait un groupe de neuf cardinaux (C9) venus du monde entier pour le conseiller dans le gouvernement de l’Eglise et étudier un projet de réforme de la curie romaine.

Le pape et la Curie avant le concile Vatican IIthe vatican rome st pierre

Le code de droit canon de 1917 rappelait que le successeur de Pierre «a le pouvoir de juridiction suprême et entier sur l’Eglise universelle, tant dans les matières qui concernent la foi et les mœurs, que dans celles qui se rapportent à la discipline et au gouvernement de l’Eglise répandue dans le monde entier1». De tous temps les papes se sont fait assister par des personnes compétentes pour le gouvernement de l’Eglise. Formellement organisée par Sixte V en 1588, la curie romaine constituait avec ses congrégations, ses conseils et ses tribunaux, l’organe par lequel le pape exerçait seul son pouvoir suprême sur l’Eglise universelle. La Sacrée Congrégation du Saint Office, gardienne de la foi et des mœurs, avait la prééminence sur toutes les autres Congrégations et était présidée par le pape lui-même.

La collégialité au concile Vatican II et les réformes qui ont suivi

En 1964 le concile Vatican II introduisait la notion de collégialité, affirmant que «L’ordre des évêques, […] lui aussi, en union avec le Pontife romain son chef, […] est le sujet du pouvoir suprême et plénier sur toute l’Eglise […]2». Rapidement le synode des évêques était institué3, tandis que le concile demandait la généralisation et le renforcement des conférences épiscopales nationales, et la réforme de la curie romaine4. Les réformes de la Curie opérées par Paul VI5 et Jean-Paul II6 ont répondu à certains souhaits du concile, mais les résistances ne permettront pas à ces deux papes d’en modifier profondément le mode de fonctionnement. Elle restera encore un organe de gouvernement centralisé, à la main du pape seul, laissant peu de place à l’exercice du pouvoir suprême par le collège des évêques en tant que tel.

La réforme en cours

Dès 2013, dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium, le pape François pose la nécessité d’une transformation de la papauté pour mieux répondre aux nécessités de l’évangélisation. Il fustige l’excessive centralisation de la curie et montre le remède à appliquer : faire en sorte que les conférences épiscopales puissent «contribuer de façons multiples et fécondes à ce que le sentiment collégial se réalise concrètement». Il s’agit alors de les concevoir «comme sujets d’attributions concrètes, y compris d’une certaine autorité doctrinale authentique7».

saint matthieuLe conseil des cardinaux travaille depuis plus de six ans à l’élaboration de la nouvelle constitution de la Curie. La première version du projet est achevée et a été baptisée Prædicate Evangelium8. Elle a été envoyée en avril 2019 à toutes les conférences épiscopales, aux synodes des Eglises orientales, aux dicastères de la Curie, aux conférences des supérieurs majeurs, ainsi qu’à certaines universités pontificales. Depuis, le texte est relu à la lumière des avis reçus et devrait être présenté dans les prochains mois au pape pour promulgation.

Chaque année, le traditionnel discours de Noël à la Curie est l’occasion pour le pape d’évoquer la réforme. On retiendra particulièrement celui de 2019 où il pose l’évangélisation comme le premier et plus important devoir de l’Eglise, et rappelle que «l’objectif de la réforme actuelle est que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale deviennent un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’auto-préservation».

A ce titre, la réforme prévoit la prééminence absolue du Dicastère pour l’évangélisation des peuples, le faisant passer avant la Congrégation pour la doctrine de la foi9.

La mission passe ainsi avant la foi, alors qu’on avait toujours considéré traditionnellement que l’évangélisation n’était rien d’autre que la diffusion de la doctrine. C’est bien là l’évolution conciliaire : le pastoral supplante le dogmatique !

Dans ce cadre, la Curie est conçue comme une fonction support au service du pape et des évêques pour assurer le succès de l’évangélisation. Elle n’est plus à proprement parler un organe de gouvernement, encore moins le gardien d’un dépôt, mais plutôt une plateforme de communication entre les deux sujets du pouvoir suprême, au service de l’évangélisation des peuples. Ses organes sont décrits «comme de fidèles antennes sensibles : émettrices et réceptrices ; [...] habilitées à transmettre fidèlement la volonté du pape et des supérieurs, [et à] recueillir les requêtes, les questions, les demandes, les cris, les joies et les larmes des Eglises et du monde pour les transmettre à l’Evêque de Rome afin de lui permettre d’assurer plus efficacement son devoir et sa mission10».

De cette manière la Curie sera l’outil adéquat pour l’exercice du pouvoir suprême par le pape et par le collège épiscopal, au service de la pastorale. Les vœux du concile Vatican II seront enfin pleinement exaucés…


  1. Code de droit canon de 1917, can. 218.
  2. Concile Vatican II, Constitution dogmatique Lumen Gentium du 21/11/1964, n°22.
  3. Paul VI, motu proprio Apostolica sollicitudo du 15/09/1965.
  4. Concile Vatican II, décret Christus Dominus du 28/10/1965.
  5. Paul VI, constitution apostolique Regimini Ecclesiæ Universæ du 15/08/1967.
  6. Jean-Paul II, constitution apostolique Pastor Bonus du 28/06/1988.
  7. Exhortation apostolique Evangelii Gaudium du 24/11/2013, §32.
  8. «Prêchez l’Evangile».
  9. Anciennement Saint-Office.
  10. Pape François, discours de Noël à la curie romaine, 21/12/2017.