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Le CCNE : outil à la solde des évolutions sociétales ?

Dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique de 2011, nous revenons sur l’avis consultatif n° 129, rendu après une large consultation citoyenne par le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) le 25 septembre 2018.

CCNEAu programme : débats publics, auditions d’experts, consultations en ligne, etc. La mobilisation fut au rendez-vous. A l’étonnement de nos élites et des médias, il ressort que dans leur majorité, les Français craignent des progrès scientifiques trop rapides au détriment de l’humain et qu’ils ne sont pas encore prêts à l’ouverture de la PMA pour toutes, thème le plus débattu.

Fort de cette consultation et de ses propres travaux, le CCNE a publié un avis « s’appuyant sur l’ensemble des opinions émises lors de la consultation » (sic !).

L’introduction du document officiel reste prudente et factuelle : état des lieux assez objectif de l’environnement de santé actuel reconnaissant que les progrès scientifiques et les innovations technologiques ouvrent de nouvelles perspectives. Il y a un écart important entre la faisabilité technique et le souhaitable éthique. Le CCNE note la nécessité d’une réflexion et s’interroge sur les critères qui doivent guider l’action médicale pour respecter la dignité de la personne humaine. En revanche, sur les sujets en consultation, le CCNE se montre très progressiste, notamment sur :

  • La recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires (CSE) : Au prétexte de ne pas brider la recherche, le CCNE est favorable à l’élargissement de la recherche sur les embryons surnuméraires avec modification du génome à condition de ne pas réimplanter l’embryon. Favorable aussi à l’assouplissement du régime juridique de recherche sur les CSE (selon lui, ce n’est plus leur origine qui pose un problème éthique mais leur finalité). Il « s’interroge » sur la nécessité de maintenir dans la loi deux conditions limitant la recherche sur l’embryon : « la finalité médicale et l’absence d’alternative ».
  • Les examens génétiques : Il préconise le dépistage génétique pré-conceptionnel, l’élargissement du diagnostic pré-implantatoire dans le cadre d’une fécondation in vitro et du diagnostic prénatal non invasif (aujourd’hui limité à la trisomie 21) à un nombre supérieur d’anomalies génétiques, afin de « diminuer le nombre d’enfants porteurs de trisomie 21 » et autres... Il semble qu’on soit En Marche vers un eugénisme organisé !
  • La fin de vie : Le statu quo demeure malgré le constat que l’« on meurt mal en France ». Le CCNE demande de mieux appliquer la loi Leonetti-Clayes de 2016 et de développer les soins palliatifs. Rappelons que cette loi permet déjà la sédation profonde (soit l’endormissement progressif vers la mort…).
  • L’assistance médicale à la procréation : Position assez hypocrite : après s’être interrogé sur les conséquences de l’absence de filiation et d’origine pour les enfants nés sans père, après avoir rappelé que la PMA est une réponse à « des infertilités qui révèlent des dysfonctionnements de l’organisme », et après avoir reconnu qu’au sein même du Comité aucun consensus n’a été trouvé, le CCNE se prononce en faveur de l’ouverture de la PMA à toutes les femmes pour répondre à leur désir d’enfants et combler leur souffrance.

Il préconise l’autorisation des inséminations post mortem (décès du père) et l’ouverture de l’auto-conservation des ovocytes à toutes les femmes (aujourd’hui réservée à celles qui font un don ou sont malades), pour reporter une maternité à l’heure où bon leur semble.

Il propose la levée de l’anonymat des donneurs de sperme, et puisqu’on manque de donneurs en France, il faudra organiser des campagnes d’information sur ce sujet. Imaginons la teneur des affiches publicitaires…

Quant à la GPA, il y est opposé mais pour combien de temps encore ? Tous ces progrès pourraient être pris en charge par la Sécurité Sociale par souci de justice et d’égalité…

Il est regrettable que le CCNE n’ait pas préconisé d’aller plus loin dans la recherche sur l’infertilité et les solutions à y apporter (comme la naprotechnologie1 par exemple).

De tous ces thèmes, c’est évidemment l’ouverture de la PMA qui est le plus symbolique et le plus « populaire ». Il fera l’objet de toutes les attentions de la part de ses défenseurs comme de ses opposants. Nous voici à l’aube d’un changement de civilisation dans laquelle la filiation est définitivement biaisée et la génération elle-même détachée de sa descendance. C’est une nouvelle transgression de l’ordre naturel dont les limites sont sans cesse repoussées.

Le plus grave réside dans ces manipulations génétiques qui touchent à la Création même. L’homme se prend pour Dieu à vouloir et pouvoir changer sa propre substance. Le progrès n’est plus au service de l’homme mais de sa destruction. Quel monde se prépare avec la fabrication laborantine d’un homme augmenté, nettoyé de tout défaut, programmé selon les désirs de ses parents ? A l’heure où des groupes de végans se battent pour défendre « les droits des animaux », il est assez paradoxal de constater que l’embryon humain n’a encore aucun statut juridique et qu’on peut le manipuler sans beaucoup de précautions, comme un simple matériel de laboratoire… Jusqu’où le « progrès » fera-t-il évoluer la loi et la société ?

La liberté individuelle avant le bien de la société : c’est un changement de vision de la bioéthique qui s’installe. Le Pr Delfraissy (président du CCNE) le dit lui-même : il veut une « loi de confiance et non une loi d’interdits ». Or, faut-il le rappeler, la loi est d’abord « une ordonnance de la raison » (St Thomas d’Aquin) ?

Enfin, une impression de déni de démocratie demeure quant à l’élargissement de la PMA car il était clairement sorti des débats qu’il n’y avait aucun consensus. Le CCNE a pris seul la responsabilité d’aller plus loin pour valider les desiderata des lobbies LGBT. Quand on sait que les deux tiers de ses membres sont nommés par le pouvoir, peut-on parler d’organe indépendant ? Cependant, le texte du CCNE n’est qu’un avis et non un projet de loi. M. Macron voulait à ce sujet un débat apaisé et ouvert : on peut encore espérer que son gouvernement récemment fragilisé ne mette pas la priorité sur ce sujet.Un enfant n a pas de prix

Des réactions se sont fait entendre : la LMPT et ses alliés ne laisseront pas la loi passer sans rien faire et appellent déjà à une mobilisation. L’Eglise de France s’est emparée du sujet : la Conférence des évêques de France a publié un texte officiel contre l’ouverture de la PMA (21 septembre 2018). Dans cette ligne, Mgr Aupetit, responsable bioéthique pour cette même Conférence, a rappelé l’ordre naturel dans un long entretien au journal Le Parisien et dénoncé ces potentielles évolutions sociétales (29 septembre 2018). Enfin, les premiers concernés, à savoir les médecins, sont montés au créneau en publiant une Tribune dans le Figaro du 7 octobre dernier pour dénoncer l’avis de l’Ordre des médecins favorable à l’ouverture de la PMA… Même au sein de la majorité, le consensus n’existe pas : Mme Thill, courageuse députée LREM de l’Oise s’est fait remarquer pour son opposition.

Au plan juridique, si l’on observe le récent arrêt du Conseil d’Etat (CE 28 septembre 2018, N° 421899) à propos d’une plainte portée par un couple de femmes qui s’étaient vu refuser une PMA, tout n’est pas encore établi. Il confirme qu’exclure les lesbiennes de la PMA n’est pas discriminatoire en soi, et que l’encadrement actuel est respectueux de l’égalité. Or, pour demander ce droit à l’enfant, les lobbies fondent leur argumentation sur ce souci d’égalité… Il faudrait donc être logique ! Rien n’est encore définitivement joué, le projet de loi ne devrait être présenté que début 2019. A suivre…

Décembre 2018

1 - Vient de la contraction des termes anglais Natural Procreative Technology (technologie procréative naturelle)