Equilibre – base de la vertu
La vertu réside dans l’équilibre. La prudence réside ainsi entre la peur, la crainte et l’inconscience. La tempérance réside dans l’équilibre du bon usage des biens matériels, ordonnés au salut éternel. Ainsi, en tout, il nous faut trouver le juste milieu, en fonction des principes éternels, en vue de notre salut, et selon le contexte où Dieu nous a placés.
L’équilibre du couple se fonde ainsi sur la vertu. Un couple vertueux est forcément un couple « équilibré ».
Nous avons voulu mettre l’accent sur deux vertus particulières, la prudence pour les hommes, et la douceur pour les femmes.
La prudence, nous la voyons souvent comme l’homme qui hésite à sortir, regarde par la fenêtre, voit un orage qui menace, et décide alors de rester au chaud près du feu. Non, la prudence, c’est la capacité à agir, en toutes circonstances, en vue d’un bien véritable. La prudence ce n’est pas l’homme qui tergiverse, c’est l’homme qui agit. C’est l’homme qui d’abord analyse une situation, réfléchit. Puis, après avoir réfléchi, l’homme juge : ce qu’il est bien de faire, ce qu’il est mal de faire. Enfin, après avoir réfléchi, après avoir jugé, l’homme agit. Voilà la prudence. La prudence est peut-être la vertu que monseigneur Lefebvre a poussée au plus haut point : analyser une situation, prier, réfléchir, puis juger, décider et agir. C’est aussi la vertu par excellence de saint Joseph. Lors des grandes décisions, notamment prendre Marie chez lui ou non, Dieu attend que saint Joseph agisse avant de lui envoyer l’ange : « N’aie crainte de prendre Marie chez toi ». La prudence est la vertu des hommes courageux, des hommes d’action, des hommes qui changent le monde et travaillent au règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ. La prudence, c’est la vertu par excellence du chef, c’est la vertu du père de famille. Alors, pour diriger les siens, pour les mener vers le Ciel, pour leur sanctification, le père de famille doit être prudent : en toute circonstance, réfléchir, juger et agir.
La douceur. Quelle belle vertu ! Plus exactement, la douceur n’est pas une vertu, elle en est le reflet. La douceur est le reflet de la charité et de l’humilité. Par l’humilité, la femme retrouve sa vocation : soumise à son mari pour aller au Ciel, l’épouse humble trouve la joie dans le sacrifice de ses caprices pour le bien de tous et dans la répétition des petites choses du quotidien. L’humilité la prépare à aimer plus, à donner plus, à rayonner dans le cœur de chacun, en tant que mère, en tant qu’épouse. Puis la charité, l’amour. Par la charité, l’épouse sait se rendre disponible pour écouter et consoler, elle ouvre son cœur pour pardonner. Pour pardonner, il faut être doux. Taire son ego. La douceur est patiente, elle attend, elle est paisible, elle a confiance en Dieu et en son mari, elle supporte tout, ne se plaint pas, trouve sa joie dans l’amour de Dieu et dans l’amour des autres pour Dieu. La douceur, c’est la troisième béatitude : « Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage ». La terre en héritage… Les doux, en perdant l’arrogance et la volonté de puissance des brutes, désarment et apaisent les cœurs. Par sa douceur, Jésus, « doux et humble de cœur », a conquis la terre, l’a soumise et fécondée de son sang. De même, par sa douceur, l’épouse conquiert les cœurs, devient reine du foyer, elle devient l’instrument par lequel Dieu féconde sa maison et l’inonde de tous ses dons.
Méditation, retraites
Voici le dernier point que nous voulions aborder. Tout équilibre vient de Dieu. Le désordre vient du démon, l’équilibre, la paix, l’harmonie et le véritable amour ne peuvent trouver leur source qu’en Dieu. Aussi, nous faut nous abreuver à la source, nous y désaltérer, nous y plonger, comme au jour de notre baptême. « Comme le cerf languit après les sources d’eaux : ainsi languit mon âme après vous, mon Dieu », dit le psaume.
Sans eau, la fleur fane, sans la grâce, le couple s’étiole. Chacun doit faire son examen de conscience et se poser la question : sommes-nous comme le cerf qui languit après les sources d’eaux ?
Ainsi, faisons-nous notre méditation quotidienne ? Même simplement quelques minutes ? Prions-nous en famille, en couple, chaque jour ?
Quand nous prions en couple, ce ce sont pas deux individus que Dieu voit l’implorer, l’adorer ou le remercier, non, c’est un tout, une seule chair, qui se mettant sous son regard, obtient alors les grâces nécessaires pour son salut.
Avons-nous pensé à une direction spirituelle ? A une retraite ? En couple ou seul ?
Nous pouvons aussi penser à notre formation : sommes-nous membre d’un cercle ? Y a-t-il une opportunité pour en fonder un ? Lisons-nous un peu chaque jour de bons livres ? Dix à quinze minutes par jour, cela se trouve.
Enfin, un bon moyen d’obtenir une protection toute spéciale du Ciel pour notre famille est de consacrer le foyer au Sacré Cœur, de l’introniser comme roi du foyer, de la maison, de nos vies, de nos personnes, de nos biens, car tout vient de Lui, et en Lui seul nous devons vivre. A ce propos, relisons ces mots de monseigneur Lefebvre (sermon de son jubilé sacerdotal, à Paris le 23 septembre 1979) :
« Croisade aussi des familles chrétiennes ! Familles chrétiennes qui êtes ici, consacrez vos familles au Cœur de Jésus, au Cœur Eucharistique de Jésus, au Cœur Immaculé de Marie. Priez en famille ! Oh ! Je sais que beaucoup d’entre vous le font, mais qu’il y en ait toujours de plus en plus qui le fassent avec ferveur. Que vraiment Notre-Seigneur règne dans vos foyers ! »
En un seul mot, la vie en Dieu est l’équilibre du couple.
Amour charité
Et comment clore cet aspect de la question sans méditer le chapitre 13 de la première épître de saint Paul aux Corinthiens ? Ce texte est si riche et ses principes s’appliquent si étroitement à la vie conjugale !
En effet, l’amour entre les époux chrétiens est avant tout un « amour charité », fondé d’abord sur l’amour de Dieu. On doit aimer son conjoint par amour de Dieu, on doit vouloir avant tout son salut, on doit œuvrer à sa sanctification. Si on conquiert la lune pour sa femme, si on n’a pas la charité, on est une cymbale qui retentit. Si on travaille comme un forcené pour les siens, si on ne le fait pas par amour de Dieu, on n’est rien. Si on se donne tous les jours pour ses enfants et son mari, aux mille petites tâches du quotidien, même avec constance, si on ne le fait pas par amour de Dieu, alors cela ne compte pour rien. Tout dans le foyer doit être mû par l’amour de Dieu, par la volonté de s’immoler, de brûler sa volonté dans la Sienne, de ne vouloir que ce qu’Il fait et de ne faire que ce qu’Il veut.
Si nous vivons de la charité dans le couple, alors tout s’adoucit, alors la paix envahit le foyer : notre amour pour notre conjoint ou nos enfants sera patient, bon, humble, ne cherchant pas son intérêt mais le bien de l’âme de l’autre. Cet amour sera désintéressé, plein de pudeur et de délicatesse, sans envie, jamais irrité, prêt à tout pardonner, à tout supporter, à tout endurer. Cet amour se réjouira de la vérité, sera fortifié par l’espérance, guidé par la foi. Cet amour sera comme une image de l’amour de Dieu, un avant-goût du Paradis, une marche vers l’éternité bienheureuse. Voilà le secret des foyers chrétiens.
Conclusion
Il n’est pas évident en quelques pages de donner un guide pour tous les couples, pour les aider à atteindre l’équilibre charitable fondé en Dieu. C’est même impossible. Si nous espérons que dans ces pages, certains trouveront une idée, une réflexion, une pensée qui pourra les aider, il faut bien comprendre qu’il n’existe pas de mode d’emploi pour atteindre l’équilibre dans le couple. Il n’existe pas de manuel clés en main, à suivre bêtement comme on suit les étapes de montage d’un meuble, comme on suit le programme de physique pour passer un concours. Non, ce n’est pas le but de ces pages. Le but est plus simple.
L’équilibre dans le couple consiste en une charité profonde qui unit les cœurs, en un ordre naturel soumis aux lois divines, en un seul mot, l’équilibre dans le couple et la paix dans les familles ne se fondent que sur une seule et unique chose : la sainteté. Le seul guide, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même. De Lui tout découle. Vers Lui tout doit tendre.
De la sainteté des membres des couples jaillira tout le reste : la prudence du chef de famille, la douceur de la maîtresse de maison, la tempérance dans le confort et l’usage des nouvelles technologies, l’éloignement sain de la modernité connectée, le bon sens de tous, à l’école de la terre et de l’esprit de pauvreté, en un seul mot, la foi, l’espérance et la charité, fruits de la grâce de notre baptême. Voilà le seul mode d’emploi, celui que les générations qui nous ont précédés ont souvent respecté, parfois sans s’en rendre compte, nourris qu’ils étaient par l’Eglise dont les cloches animaient les campagnes. Aujourd’hui, cette sainteté demande plus de combativité, plus de sacrifices, ne serait-ce que pour garder la foi. Mais elle reste la même que pour tous les temps : aimer Dieu, l’aimer sans cesse, en toutes circonstances, en tout état, à chaque instant.
Le couple fonde la famille. La famille fonde la société.
Par conséquent, l’équilibre dans le couple fondé sur la sainteté est un enjeu civilisationnel. L’enjeu est de conquérir le Ciel pour la génération présente, de continuer l’œuvre des générations passées qui nous ont transmis la chrétienté et ainsi de faire resplendir à travers leurs actions passées la gloire de Dieu à travers les siècles et, enfin, de transmettre aux générations futures la civilisation, c’est-à-dire Dieu, l’Eglise et la France chrétienne.
Ainsi pourront-ils à leur tour mériter la belle phrase de saint Paul (1 Co, 11,23) : Tradidi quod et accepi – J’ai transmis ce que j’ai reçu (épitaphe de monseigneur Lefebvre).